Lors de la dernière semaine avant les vacances de noël, il faut pédaler en masse dans une école. Il faut terminer les cadeaux aux parents, faire le ménage des bureaux et s’assurer que chaque enfant quitte avec son pantalon de neige. Certains diront que les enfants ne jouent plus dehors et que ce geste demeure futile mais peu importe, il faut désembourber le corridor pour que le concierge puisse faire son gros ménage de fin d’année. Au niveau de la direction, c’est surtout de la gestion humaine quand nous sommes rendus dans ce bout de l’année. Mais c’est surtout la gestion face aux enfants qui n’ont pas le goût de délaisser leur classe, leur groupe et leurs amis pendant deux semaines.
Et ça, c’est difficile de devoir analyser, capter et gérer les comportements d’enfants qui savent que les deux prochaines semaines, ce ne seront pas des célébrations comme pour certains de leurs compagnons de classe qui seront dans leur chalet, en famille ou que quelques copines seront chez papi et mami, pendant toute cette période à carburer au chocolat chaud en regardant Ciné-Cadeau. Non, certains ne vont que rester dans l’appartement familial et noël ne sera qu’un jour comme un autre.
C’est ce qui est le plus difficile, honnêtement. La gestion des enfants qui vivent ce moment comme une frustration. Ils quittent, enragés mais avant le départ et ce, tout au long de la semaine, il faut rester à l’affût face aux picossements que certains enfants vont proposer car de l’attention négative, c’est ce qui est recherchée. J’ai été demandé tout au long de la semaine afin de gérer l’enfant X et l’enfant Y qui ne cessaient de titiller les autres. Ils se braquent, sont en mode opposition et tu dois agir avec toute la psychologie infantile et pédagogique possible.
Jeudi soir, de retour à la maison, j’étais brulé que le bazwell. J’avais passé 4 jours à éteindre de petits incendies d’élèves du primaire, ici et là. Vendredi s’annonçait comme étant la dernière journée avant le long congé. En ce jeudi soir, j’étais prêt à m’évacher de tout mon long sur le sofa… mais non! Oubliez ça! Je devais souper, prendre la route et me rendre à Lavaltrie pour la Virée Morgoth de Voïvod.
Il faut aimer Voïvod en cibole pour décider de faire 50 minutes de voiture, un jeudi soir frisquet, après une semaine aussi intense au boulot. Je me devais de finir mon année 2024 en concerts sur une note plus que positive et ce show de Voïvod me confirme, une fois de plus, que ce groupe est celui que j’ai vu le plus souvent en concert. Souper avec la famille, je mets mes vêtements de rock, ce qui consiste en mes jeans et un longsleeve, car on ne réinvente pas des décennies de fashion métallique!
Je n’avais jamais été à la Chasse-Galerie depuis que cette salle est maintenant située dans une ancienne église. Immeubles religieux délaissés qui se veulent reconvertis en salles de spectacle, ce concept demeure intéressant sachant que l’acoustique de l’église est toujours sublime sauf que je n’allais pas à Lavaltrie pour entendre Minuit Chrétien, souhaitant plutôt entendre Nuclear War.
Parlant de « War », le groupe en ouverture était la formation américaine War on Women. Groupe originaire de Baltimore au Maryland, tout comme Dying Fetus mais la comparaison s’arrête ici, nous avons eu droit à une sonorité punk plutôt qu’à une vague métallique. La veille, War on Women ouvrait pour The Anti-Queens à Montréal et depuis jeudi, le quintette se greffait à Voïvod pour les quelques dates restantes face à la Virée Morgoth, question de déstabiliser les foules québécoises.
Trois femmes se retrouvent dans le groupe en plus d’un batteur et d’un guitariste. Le point central de cette formation américaine demeure la chanteuse de War on Women, Shawna Potter, qui te mène la barque et ce, solidement. Elle a du bagou, elle jase entre les chansons et elle se disait bien contente de se retrouver au Canada en ce moment… Pas besoin de m’étendre sur le sujet. Féministe et activiste, elle a souligné le côté rétrograde qui se produit en ce moment dans son pays, notamment avec les lois face à l’avortement qui replongent le pays pratiquement à l’époque médiévale.
Et musicalement, c’était comment? Je ne suis pas le plus grand fan de musique punk mais l’intensité de War on Women est venue jouer en leur faveur. Leur musique se veut agréable et aguichante. Parfois, le groupe fricotte avec des riffs à la Helmet et Jesus Lizard pour ensuite retomber dans des moments plus soyeux qui me remettaient en tête The Breeders ou Hüsker Dü, en ce qui concerne les harmonies vocales.
Personnellement, je me disais à la toute fin que j’aurais plutôt pris un support local comme Sandveiss ou Reanimator pour finalement conclure que ça fait du bien d’être sorti de sa zone de confort. Et ça, Voïvod le fait bien depuis quelques années en ayant des groupes comme Crabe, René Lussier & Robbie Kuster ou Téké Téké qui ouvrent pour eux lors des périples plus régionaux. Découverte intéressante et enivrante, d’avoir un message aussi politisé et punké lors d’un jeudi soir m’a permis, justement, d’apprécier le tout pendant une quarantaine de minutes.
Après War on Women, j’ai repris la jasette avec Albert, Martin et Sébastien, les partenaires pour ce dernier show de l’année, bien accoté sur le calorifère biblique qui se retrouve étrangement, juste devant la scène. Breuvage en main, il était bon de faire un retour sur la dernière année, y allant avec ce qui nous avait impressionné, autant au niveau concert que sur album. Tout en parlant, nous pouvions regarder le plafond de l’église pour admirer l’immense peinture de ce qui doit être Saint-Antoine car nous étions dans sa demeure, après tout.
Vers 21h15, les lumières se sont tamisées, question de pouvoir entrer en communion avec Voïvod, pour une dernière fois en 2024. En fond de scène, nous retrouvions un écran qui laissait paraitre le logo du groupe qui se retrouvait divisé sur les écrans, du côté de la scène, montés sur des pylônes soutenant la toiture ecclésiastique. Ce sont les bidouillements qui se retrouvent en ouverture de l’album Dimension Hatröss qui étaient audibles malgré que je venais tout juste d’enfoncer mes bouchons dans le fond de mes cavités auditives.
C’est donc avec Experiment que la troupe québécoise a décidé de débuter ce périple qui célèbre, une fois de plus, le quarantième-quelquième anniversaire de la bête jonquièroise. Ce qui me surprend tout de suite, outre le fait que je participe activement à un concert heavy metal avec une fesse sur un calorifère à eau chaude dans une église, est la qualité sonore (Francis Perron, est-ce lui le responsable?) qui émane du système de son de la salle. En étant aussi près de la scène, je croyais être dérangé par le son qui allait provenir des moniteurs étant donné que la scène était plutôt basse. Mais pas du tout, tout était cristallin!
Ensuite, Holographic Thinking, Tribal Convictions et Ripping Headaches m’ont permis de faire l’une des choses que j’apprécie le plus lorsque je vais voir Voïvod en concert : regarder Away taper sur son kit. T-shirt de Bauhaus et chevelure poivre et sel au vent, il est aussi vif que par le passé mais avec un kit trois fois plus petit. Juste avant Forgotten in Space, Snake nous a fait un brin de jasette, question de nous rappeler que son groupe sera accompagné de l’Orchestre Symphonique de Montréal en janvier prochain et que pour cette pièce, il fallait s’imaginer une panoplie d’instruments à cordes qui vont faire les lignes principales de la chanson. De mon bord, j’étais plutôt sous le choc de savoir qu’une pièce aussi thrash du répertoire du groupe se retrouvera dans les arrangements d’un orchestre classique.
Alors que le photographe Martin Desbois prenait son pied pendant Into My Hypercube, nous pouvions apprécier la basse ondulante de Rocky sur celle-ci en plus des mimiques de Chewy. Dans la foule, un père qui portait un hoodie de Testament avait son enfant d’environ trois ans avec lui. T-shirt de Devin Townsend sur le dos, l’enfant s’est planté devant la scène. Snake s’est donc accroupi, question d’être à la hauteur des yeux de l’enfant qui, dans cette église, en était probablement à son baptême en ce qui concerne les concerts métallifères.
The Unknown Knows demeure probablement ma seconde chanson préférée du catalogue de Voïvod et à chaque fois que le groupe la joue, j’en suis ravi. C’est pendant celle-ci que le système de chauffage s’est activé et que nous avons pu ressentir un brin de chaleur au niveau de notre postérieur. Pour terminer la veillée, ce sont deux vieux morceaux qui se sont retrouvés dans nos oreilles avec Condemned to the Gallows qui se veut la toute première chanson de Voïvod. En la commençant sur le ruban d’origine, j’apprécie grandement le clin d’œil face à l’origine de cette pièce qui se veut anthologique. Le premier domino, dans un sens!
Finalement, c’est Nuclear War qui a permis aux musiciens de se déplacer encore plus sur la scène, pour venir nous saluer une dernière fois en 2024. Comme de raison, les musiciens québécois ne pouvaient pas partir juste de même! C’est pas des gigons, voyons donc!
Après quelques secondes derrière le rideau qui devait donner dans le déambulatoire de l’époque, le groupe est revenu prendre place devant une foule plutôt menue mais composée exclusivement de vrais amateurs du groupe. Il fallait bien y aller avec Astronomy Domine et Voïvod, pour tous nous achever sans avoir ce sentiment de vide pour le temps des fêtes. Vide qui ne pourrait aucunement être comblé par deux assiettées de tourtière et de ragoût.
Soirée tout simplement parfaite en ce qui me concerne. J’apprécie vraiment le fait que Voïvod prenne la peine d’aller jouer dans des endroits moins visités par la grande majorité des artistes métalliques. Dans la dernière année et des poussières, j’aurai vu le groupe à Arvida, Joliette, Lavaltrie mais aussi à la Maison Symphonique et c’est ce que j’apprécie le plus de Voïvod, ce caractère imprévisible qui se présente une fois de temps en temps, comme la shot au Festival de Jazz!
Je suis sorti de l’église non pas avec le pamphlet paroissial mais plutôt avec un tout nouveau longsleeve du groupe et surtout, l’immense satisfaction face à ce qui semble être une autre année remplie de concerts excessivement satisfaisante!
Et je reprends ça en 2025 avec Slowdive et deux jours après… Voïvod!
Images : Martin Desbois