Un mardi, c’est toujours plus difficile de déplacer sa bonne vieille carcasse vers une salle de concert. Surtout que je ne suis pas encore en vacances et que tout le monde semble l’être. Mais je me devais de me changer les idées, une fois de plus. Les dédalles administratifs en ce qui concerne la réfection du toit à l’endroit où je travaille sont en train de me rendre totalement bollo, je dois trouver des spécialistes en ingénierie et en architecture, genre maintenant et en pleine période des vacances. Mission impossible, ce qui fait que mon degré de crinquage en ce qui se rapporte à une présence de la formation internationale The Ocean (ou The Ocean Collective, pour les précis) à Montréal se veut au pinacle!

J’avais vraiment besoin de changer mes idées, mardi. De plus, le fait que j’écoute les informations à la radio et me promène sur Facebook fait que je suis bombardé constamment d’images des amateurs de Trump avec leur Trumpax sur l’oreille, le retrait de Biden, la présence de Snoop aux Olympiques, le support de Hulk Hogan envers Donald et la montée vertigineuse de Kamala Harris chez les démocrates.

Tellement d’informations sur ce qui se passe chez les Américains, c’est beaucoup. Très et trop. Mais au moins, tout ceci a éclipsé le Hawk Tuah

C’est pourquoi je me devais, comme de raison, d’aller me désaltérer au Dieu du Ciel, juste avant le concert. J’allais rejoindre mon chummy Luc qui, lui aussi, n’est pas en vacances. Température agréable, bières agréables, il fallait aussi casser la croûte et ensuite, direction le Fairmount avec sa disposition quelconque. Je sais que la « disposition » de cette salle n’est pas un avantage pour certains et l’éclairage se veut un cauchemar pour les photographes. De mon côté, j’aime bien cette salle mais comme je l’expliquais dans mon papier sur le concert de Pallbearer, il faut trouver son spot parfait pour profiter pleinement de l’évènement.

Nous sommes arrivés quelques minutes seulement avant que De Mal en Pire ait débuté sa prestation. Groupe de Sherbrooke en ouverture qui, une fois de plus, se veut l’initiative du promoteur local qu’est Extensive Enterprise, cela nous a permis d’en faire la découverte. Je me posais la question, justement, face au choix de cette formation en ouverture. Je me demandais si Extensive avait proposé quelques noms à The Ocean et ainsi, le groupe choisissait parmi la série proposée. Si vous avez la réponse, vous pouvez l’inscrire en commentaire!

Il faut comprendre que le spectacle d’hier n’était pas un concert comme les autres, ce n’était pas un arrêt lors d’une tournée nord-américaine massive. Non, c’est que le collectif s’est mis en tête d’aller proposer 4 concerts dans 4 villes où le groupe interprète l’album Pelagial dans son entièreté. Montréal était visée, De Mal en Pire ouvrait.

Simple de même. Ne manquait plus que la confirmation face à la présence d’un public. Et l’appel a été entendu car c’était plutôt plein, même pendant De Mal en Pire. Dès leur première chanson, le public se voulait attentif. Sonorité post-metal, genre qui me plait depuis des années, c’était lourd, criard et francophile. Profond, précis. Première pièce, un brin de nervosité, de la part des musiciens, la voix claire était peut-être moins solide. Après tout, de te ramasser à ouvrir juste avant l’une de tes influences, cela te fait shaker le vibrato un tantinet.

Par la suite, le tout s’est replacé, la puissance a réussi à se développer de plus avec De Mal en Pire et parfois, je réussissais à entendre quelques mots français, ce qui nous confirme que peu importe la langue choisie, c’est la musique qui permet de livrer le message au public. Avec l’énergie déployée et le côté introspectif des chansons qui provenaient de leur album Sã Mo, je me rappelais les belles années où nous allions voir ISIS au El Salon, à la Sala Rosa ou Rosetta au Il Motore.

Ce sont les mêmes sensations que De Mal en Pire a réussi à me faire passer dans le cervelet. Aucune idée face au nom des chansons qui ont été jouées, sauf pour Délire Mantique car j’ai reconnu le mot SACRIFIÉ. Par contre, ce sont probablement toutes celles qui contiennent les homophones pour l’effet phonétique qu’est Sã Mo qui ont été jouées. L’important demeure les atmosphères qui ont émané de leur musique et l’intensité de leur prestation, ce qui nous confirme que De Mal en Pire était vraiment la formation idéale pour ouvrir sur ce concert spécial et unique.

Entre les deux prestations, j’ai eu le temps de jaser avec une couple de personnes dont Julien qui est venu expressément de Québec en ce mardi pour ce concert spécial ou Matt de Cryptopsy qui est un fanatique du collectif qu’est The Ocean. Et non, les death métalleux n’écoutent pas que de la musique morbide!

Mais plus la soirée avançait, plus je comprenais que The Ocean avait un statut… culte.

Quand j’ai découvert le groupe en 2004 sur MySpace, j’avais communiqué avec le groupe. C’est Robin Staps, leader du collectif, qui m’avait répondu. Je lui racontais que je voulais me procurer leur album FluXion. Il m’avait suggéré d’écrire directement au bassiste qui habitait en Ontario pour ses études. L’année suivante, The Ocean a signé avec Metal Blade, ce qui faisait qu’il était plus facile de trouver leurs albums et l’intérêt des amateurs s’est développé par la suite.

C’est vraiment avec l’ajout de Loïc Rossetti que le groupe a su exploser et que l’impact du collectif a pris un nouveau souffle avec les albums Heliocentric et Anthropocentric. L’album qu’est Pelagial, proposé mardi, est l’œuvre majeure du groupe. Autour de moi, je voyais une fille chanter les moindres mots de Rossetti, un gars en diagonale punchait tout ce qui était impulsion vocale du poing et en face de moi, de l’autre côté de la scène, je voyais un homme qui hurlait chaque refrain comme si le fait de le faire le libérait d’une douleur certaine.

Quand je vous dis statut culte, c’est dans ce sens. Et c’est une musique digne d’un culte qui s’est retrouvée dans nos oreilles et devant nos yeux. Pelagial d’un bout à l’autre, sans inversion. Je n’ai pas besoin de m’étendre longuement sur ceci, c’était chirurgical, intuitif et plutôt sensible malgré la décharge de puissance.

Je croyais que le groupe allait maximiser sa prestation en utilisant l’écran gigantesque derrière les percussions mais non, ils ont joué devant un écran éteint. Je ne sais pas s’il y a un lien entre le fait que De Mal en Pire l’ait utilisé et qu’à un moment donné, nous avons vu le message « Low Battery » apparaitre derrière le batteur.

Donc, pile à plat, pas d’écran?

De toute façon, pas besoin de fling flang avec The Ocean. Rossetti est demeuré le point central de la prestation et il s’est lancé à deux reprises dans la foule pour aller faire un tour de chant plutôt convaincant, grimpé sur des épaules et quelques têtes. Les autres musiciens prenaient la place qui se voulait vacante près d’eux, pour l’occuper tout en jouant avec justesse et passion.

Avec sa disposition, la scène du Fairmount permet au public d’être tout autour du groupe, de l’encercler et ainsi, on sent véritablement le transfert énergétique se faire. Et les musiciens le ressentaient aussi, Loïc Rossetti n’a pas cessé de répéter (en français, svp!) comment il était content d’être ici et que Montréal était un choix évident face à un arrêt pour cette proposition de Pelagial.

Après Benthic: The Origin of Our Wishes, je m’attendais à un “Merci Montréal, on se revoit bientôt! » d’usage mais le groupe est sorti, le temps que le bon public entame le Olé Olé Olé qui se veut l’hymne officiel des sportifs montréalais. The Ocean est donc remonté sur la scène du Fairmount pour y aller avec un triplé final incluant Firmament, Miocene | Pliocene et Silurian: Age of Sea Scorpions qui a été la pièce qui m’a le plus chargé en émotions, compte tenu de sa guitare saccadée, sa basse lourde et la voix de Rossetti qui se voulait encore juste, même après 90 minutes à hurler, roucouler et sautiller partout.

Comme de raison, certains diront qu’à l’exception de Rossetti et de Robin Staps, aucun des autres musiciens n’étaient présents sur cet album qu’est Pelagial. Cet argument demeure futile car avant tout, The Ocean se veut un collectif qui tourne autour de Staps et aussi, Rossetti, par le fait même.  

Les deux savent s’entourer de musiciens talentueux et la preuve a été faite, mardi soir.

Photos : Isabelle Gerard