Pour qu’une formation black metal m’interpelle, je dois avoir la pétoche. Je dois vivre un large sentiment anxiogène, un brin d’angoisse et surtout, une bonne dose de trouille. Pourquoi tant d’émotions dites négatives pour apprécier un genre musical? C’est ce que je recherche dans le black metal, une sphère musicale qui m’enduit d’appréhension, de dédain et qui me plonge dans la répulsion totale. Avec Spectral Wound, c’est ce que je ressens et ce, depuis leur album A Diabolical Thirst, paru en 2021. Je sais, je sors de ma zone de confort death métallique et c’est rare que je le fasse mais quand le produit se veut de qualité, je vous en glisse un mot.

Lorsque j’ai reçu la copie promotionnelle pour Songs of Blood and Mire, c’est la couverture qui m’a frappé et ce, immédiatement. Effectivement, le personnage sur la couverture me rappelait quelqu’un. Pas une personne que je connais mais plutôt un personnage que j’ai vu à de nombreuses reprises sur mon téléviseur lors des derniers mois.

En jouant au remake de Resident Evil 4, on rencontre souvent le Marchand. C’est un personnage qui se retrouve tout au long de ton parcours et qui t’offre d’acheter des items pour agrémenter ta quête, faciliter ta mission et te débarrasser de certains objets qui prennent trop de place dans ta mallette. Sur la couverture de Songs of Blood and Mire, les similitudes sont présentes, je me demandais même si ce n’était pas un hommage au jeu ou juste du cosplay. Ceci faisant très geek, ce n’est probablement que le fruit du hasard.

Avec l’été suffocant que nous avons vécu, en plus des pluies torrentielles en parallèle, j’ai pu m’estimer choyé d’avoir eu l’occasion d’écouter cet album depuis le début du moins de juillet. Adepte des ballades en forêt, l’ambiance qui se retrouve sur ce quatrième album du groupe se mariait à merveille à mon activité pédestre.

Avec un spectre impliquant la froideur ultime, la musique de Spectral Wound se veut tranchante à souhait. Les guitares sont aussi affutées qu’un couteau Ginsu et pourraient te découper un filet de thon, en un rien de temps. C’est certain qu’avec le retour de son (ou feedback) qui débute l’album avec Fevers and Suffering, tu as plus le réflexe de te foutre les pouces dans le fond des oreilles. Par après, un gros riff bien adipeux continue la balade pour ensuite se verser vers une session de rasage musical plutôt minutieux.

Les percussions suivent l’intensité des guitares et la voix de Jonah Campbell a l’agressivité acidulée d’un camion-citerne rempli de vinaigre. Cette magnitude ne décélère pas sur At Wine-Dark Midnight in Mouldering Halls mais la parcelle plus rock d’Aristocratic Suicidal Black Metal vient balancer le tout, donnant un instant de relâche face à la causticité livrée en quantité industrielle depuis le début du périple. Par contre, la suivante qu’est The Horn Marauding te remet le ventilateur directement dans le visage et tu es soufflé par la vivacité black métallique qui en découle. Sur celle-ci, j’ai vraiment été capable d’apprécier le jeu du bassiste Samuel Arseneau-Roy, étant donné que les lignes de basse se veulent plus gaillardes sur cette pièce.

Percussions entrainantes et basse voluptueuse mettent la table pour Less and Less Human, O Savage Spirit qui prend une ascension certaine jusqu’à l’expansion retentissante de l’ajout de la voix sur la tonitruance des autres instruments. Cette chanson se veut plutôt musclée, complexe et t’assomme royalement. En pleine marche dans le bois, je sens le caractère oppressif de Spectral Wound, je lève la tête et je sens que les arbres veulent se replier sur moi.

Avec A Coin Upon the Tongue, la troupe montréalaise se remet en mode gros rock sale et noirci et cette pièce me donne l’élan nécessaire pour poursuivre ma balade, souhaitant me sortir du bois au plus sacrant… Heureusement, Twelve Moons in Hell n’est pas une chanson qui se veut compressive et accablante, sa cadence rythmée m’a donné les pas nécessaires pour me sortir du boisé, l’anxiété commençait à me jouer dans le tube digestif.

Bref, j’adore quand une formation de black metal me permet de vivre des émotions autant au niveau cérébral qu’au niveau interne, et c’est la beauté de la chose avec Spectral Wound qui, avec Songs of Blood and Mire me permet de vivre un profond malaise… mais en l’appréciant!

Je sais, le tout se veut contradictoire mais c’est ainsi que j’apprécie cette couche musicale métallique et ça, ça ne s’explique pas. Ça se vit…  

Disponible le 23 août sur Profound Lore Records.

Photo : Ben Zodiazepin