Avec la présence des Francos, je me devais de n’absolument pas m’enligner plus loin que le boulevard Métropolitain pour pouvoir accéder à ce concert du samedi soir. Il était impensable de conduire en cette zone, celle du Quartier des Spectacles, même si le concert de Pallbearer se déroule plus haut dans l’environnement montréalais. Non, tout ce coin serait excessivement embourbé de voitures, piétons, vélos et, vous l’aurez deviné, de cônes oranges. Non, je ne vais pas me décoller sur les cônes oranges, je ne suis pas un animateur du 98.5 FM après tout.
J’ai effectué mon classique, celui qui me permet de me déplacer sans anicroche et qui m’évite de sacrer comme un gars de shop, poigné dans le trafic et autres détours hallucinants que seule l’équipe de Valérie Plante peut nous créer. Non, je me starterai pas là-dessus. J’ai stationné ma rutilante Yaris, qui endure ma conduite erratique depuis 10 ans maintenant, au métro Sauvé, me suis pris un billet de métro du style aller-retour et hop, direction station Laurier.
Un show du samedi soir est toujours plus enivrant. C’est le genre d’évènement où je peux me retrouver avec un groupe d’amis car, en toute franchise, un show de semaine aux Foufs, j’y vais bien souvent tout seul… Après cette canicule et en ce samedi chaleureux, il se voulait impensable de ne pas aller prendre une bière avant Pallbearer, surtout que la flotte était prévue pour le lendemain.
En marchant vers le Dieu du Ciel, j’étais tout sourire. Sur St-Joseph, là où trônait une quantité industrielle de cônes oranges (non, je ne me laisserai pas tenter par un édito sur ce sujet), il y avait de nombreux piétons. Avec cette météo fabuleuse vient une faune qui se veut agréable aussi. Les gens étaient beaux, autant les hommes que les femmes, et l’enivrement était palpable. Les sacs remplis de victuailles, bouteille de rosé agrippée en main par le goulot, l’objectif était le parc qui se veut au coin de St-Laurent/Laurier, question de casser la croûte, le temps d’un pique-nique.
Mais moi, mon objectif demeurait le même : Dieu du Ciel. J’espérais fortement pouvoir avoir une place au niveau de la terrasse extérieure et que la Dent de Requin soit disponible. Mais non, rien de tout ça. Et rien à voir avec les cônes oranges! Sur place, le service est offert par une sommelière à l’abondante chevelure rousse qui connait son stock et qui ne cesse de me conseiller des produits qui ne comportent que de la puissance houblonnée, fraicheur et bonheur sur les papilles.
Je commence avec La Lapin Horloger, je me clanche du poulet avec de la chapelure panko avec une salade, encore selon les valeureux conseils de cette sommelière experte et le duo de copains que j’attendais, arrive. Nous échangeons sur le hockey, la musique, les relations, les enfants, un verre de ceci ou une pinte de ça et hop, vient le temps de partir.
Il est bien de voir nos sourires qui s’affichent amplement sur nos visages car d’avoir ce genre d’attitude est toujours un brin spécial en se rendant dans un concert de Pallbearer, formation de doom qui offre une musique plutôt introspective aux teintes maussades. Nous savons déjà que ce sera une soirée de oui-oui, le balancement de la tête habituel qui se veut le rituel face au son doom metal des formations comme Pallbearer.
Pour accéder à la salle qu’est le Théâtre Fairmount, il faut monter l’escalier. Sur les lieux, lorsque nous prenons place dans l’espace concert, nous voyons que la salle est juste assez remplie pour pouvoir se promener allégrement, changer de position car cette salle de spectacle est vaste et spacieuse mais il faut prendre le temps de se positionner à un endroit spécifique pour maximiser la qualité sonore.
Oui, la qualité de ton expérience dépend de la place où tu te trouves dans cette salle de concert. Question de garder mon spot bien secret, pour ne pas que vous me le voliez lors d’un prochain show, je vais taire notre emplacement. The Keening avait déjà débuté et le collectif sur scène avait des airs de tribu de sorciers et sorcières menant une célébration pour le solstice d’été. Projet de Rebecca Vernon de SubRosa, nous étions dans une cérémonie folklorique poéto-gothique transportée par du violon et des claviers ésotériques, le tout porté par des voix célestes.
J’avais l’impression de voir un culte prendre place sur scène, je n’étais aucunement dans cette vibe et je ne crois pas l’être, de manière générale, pour ce genre de prestation digne d’un pèlerinage. À la fin du concert, j’ai appris que c’était le légendaire Billy Anderson qui jouait de la basse pour The Keening. Malgré tout, ce menu détail n’a aucunement mis plus de poids dans la balance face à mon appréciation pour cette prestation.
REZN était beaucoup plus dans ma palette de couleurs. Avec leur doom psychédélique teinté de stoner, je savais que le tout allait me plaire, surtout que je m’étais tapé leur nouvel album, Burden, à quelques reprises. Parlant de palette de couleurs, il était plutôt intéressant de voir leur saxophoniste/claviériste, Spencer Ouelette, porter un long chandail de motocross vert fluo.
C’est après la seconde chanson, Chasm, que le chanteur du groupe a révélé comment prononcer le nom du groupe. Non, ce n’est pas Raisin ou Reason! C’est plutôt Resin! Ce qui se veut évident, quand on y pense, compte tenu du contexte musical de cette formation de Chicago. Les 7 chansons du groupe ont su passer le test amplement. Axées sur la guitare, les pièces étaient bien soutenues par les percussions et la basse, le tout en fusion avec les claviers et surtout, les subtilités du saxophone.
Rob McWilliams, à la guitare (avec beaucoup de manipulation de la barre de trémolo) et à la voix, avait ce genre de prestance à la Kevin Starrs d’Uncle Acid and the Deadbeats. En concert, sa voix semblait plus nasillarde que sur album, à moins que ce dernier fût enrhumé, phénomène constant lors des tournées où tous les musiciens demeurent entassés dans une camionnette, à partager le même air pendant des jours. Approbation totale pour le groupe, les têtes oscillaient en guise d’appréciation, laissant peu de répit au groupe pour se rediriger à leur table de merch pour vendre des copies de leur dernier album en vinyle ainsi que des t-shirts.
La dernière fois que j’ai vu Pallbearer en concert, je crois que c’était au Heavy Montréal 2018. À cette époque, le bassiste Joseph Rowland avait les cheveux très courts et le guitariste Devin Holt possédait une longue tignasse. Samedi, c’était l’inverse pour les deux musiciens.
Pallbearer revenait à Montréal pour la première fois depuis le confinement. En promotion pour leur nouvel album Mind Burns Alive, il fallait se demander si le groupe américain allait maximiser sur ce dernier en laissant de côté les morceaux du catalogue. Sachant que le chronomètre de chaque pièce n’oscille jamais en bas des 6 minutes, cela laisse peu de place aux longues listes de chansons.
Samedi soir, nous avons eu droit à 9 pièces et ce n’est pas avec une chanson du dernier album que Pallbearer a mis la table. Effectivement, Silver Wings provient de leur album Forgotten Days. Le groupe était en position, comme nous avons l’habitude de les voir. Holt à gauche, le dos courbé, attaquant sa guitare avec passion. Rowland, près de Holt, qui manipule sa basse tout en punchant à la voix d’accompagnement. Aux percussions, juste devant l’immense écran du Fairmount, Mark Lierly et son immense paire d’écouteurs et devant lui, vers sa gauche, Brett Campbell qui avait des allures d’un Billy Corgan aux environs de l’album Adore.
Avec passion, le quatuor a passé son matériel. La foule se voulait participative dans l’optique où rien ne brasse devant le groupe, rien ne bouge dans la foule, à l’exception de la caboche qui acquiesce lors des chansons comme Fear and Fury, Mind Burns Alive et The Ghost I Used to Be. Lorsque Pallbearer a sorti le premier simple qu’est Where the Light Fades pour leur nouvel album, je n’étais pas certain de la direction prise par le groupe à ce moment précis. Avec les écoutes additionnelles, je me suis mis à l’apprécier mais de l’entendre en spectacle m’a permis de confirmer que cette chanson se veut vraiment poignante et attendrissante.
En plus, à ce moment, nous venions de changer de place pour maximiser l’expérience sonique et cette décision se voulait judicieuse. En voyant Spencer Ouelette jouer du saxophone avec REZN, nous nous demandions s’il allait agripper son instrument pour venir sur scène avec Pallbearer. Effectivement, sur le nouvel album Mind Burns Alive, le groupe offre Endless Place, une pièce plutôt saisissante qui offre une partie de saxophone, ce qui lui donne un élan à la Great Gig in the Sky de Pink Floyd.
Effectivement, Ouelette, toujours attriqué dans son verdoyant chandail de motocross, est arrivé sur scène pour offrir ses lignes de saxophone, laissant chair de poule sur les avant-bras des amateurs du groupe. Pallbearer a terminé sa prestation avec Signals, With Disease et Foreigner. Il était 23h00 dépassé, ne laissant aucune chance à un rappel… ce qui n’est pas le genre du groupe, de toute façon…
Après cette session de consentement ténébreux, je sentais déjà que les muscles du cou me tiraient jusqu’au bas du crâne. Il était indéniable que le mal serait présent lors du lendemain matin, je me suis laissé aller le ciboulot pendant la soirée et mon âge me confirme que ce n’est plus évident de rocker.
En retournant au métro, j’ai pris le chemin inverse où j’ai encore revu des gens enthousiastes, ivres et extasiés, en plus des fabuleux cônes oranges qui ne disparaissent aucunement, pendant la nuit. Non, je ne vais pas céder et lâcher ma rage face à ces objets de plastique rappelant la couleur du visage de Trump, dans ce billet de blogue.
Devant la station de métro Laurier, deux itinérants visiblement ivres se chicanaient avec véhémence. Au passage, les gens regardaient le duo, accélérant le pas et laissant les deux concurrents en mode chamaillerie.
Après tout, c’était samedi soir pour eux aussi!
Photos : Martin Desbois de Ondes Chocs