On va se dire les vrais affaires: la plupart des Métalleuses et Métalleux sont des geeks. Solide. Je sais de quoi je parle, j’en suis un moi-même à mes heures. Mais le terme geek lui-même se voulant aussi large dans toutes les sphères artistiques de l’imaginaire que le nombre exubérant de sous-genres de notre chère scène, on ne peut nier la passion quasi-obsessionnelle de ses amateurs. Collectionneurs de vinyles, connaisseurs de Star Wars, amateurs d’animes japonais, nombreux sont les domaines d’exutoire qui semblent pourtant se croiser régulièrement dans nos plaisirs coupables. Pour ma part, ce fût les jeux vidéos, et étrangement, cette influence a eu un impact direct sur mon éducation Metal, et je suis loin d’être le seul dans cette situation…
Vers d’oreille et nostalgie sonore
On a tous une chanson qui nous rappelle un moment précis de notre vie. Tsé, LA toune qui te fait penser à tel événement ou une époque en particulier. C’est ancré dans nos crânes, vouloir y échapper est tout simplement futile. Je peux définitivement vous mentionner où j’étais lorsque j’ai vu Cannibal Corpse interpréter Hammer Smash Face dans le film Ace Ventura: Pet Detective tout autant qu’à quelle année du primaire j’étais quand j’ai entendu les premières notes du Dark World dans The Legend of Zelda: A Link to the Past. Et ça ne s’est guère amélioré avec l’achat de ma première guitare, pendant que j’apprenais Into the Dead Sky de At the Gates je travaillais aussi The Nightmare Begins (Vincent’s Theme) de Final Fantasy VII. Dans les deux cas, j’ai sacré en tabarnak. Force est de constater, quoi que somme toute facultatif si je peux me le permettre, jouer une pièce sur un instrument apporte une toute autre compréhension de la composition tout en évoquant le respect de leurs auteurs.
Vincent Valentine de Final Fantasy VII et Dirge of Cerberus
Vivre ses émotions au travers de la musique se veut chose courante, on s’y rattache inconsciemment, c’est ce qui fait la beauté de la chose. Que ce soit d’être en câllisse après quelqu’un en écoutant Décrisse d’Anonymus tout en essayant de rester zen avec Corridors of Time de Chrono Trigger, d’avoir une bulle de Classique qui passe de Epilogue de Fleshgod Apocalypse à Wood Carving Partita de Castlevania: Symphony of the Night ou en recherche de frissons mythologiques Scandinave avec Thoughts Like Hammer de Enslaved ou Grec pour Lament of Orpheus de Hades, la ligne musicale entre le Metal et les jeux vidéos est aussi mince qu’une feuille de papier. Calvaire, même Mario est Metal…
Désolé, mauvaise image, mais vous comprenez mon point…
Parlant du célèbre plombier italien, que dire de l’acteur Jack Black, chanteur/guitariste de Tenacious D, et aussi portrait et voix du protagoniste Eddie Riggs dans le jeu le plus Metal au monde, Brütal Legend, qui incarne Bowser dans le récent film de Super Mario Bros, dont sa propre initiative de composer la pièce Peaches a réussi a percer le Billboard 200 avec plus de 18.6 millions de streams pour un long-métrage qui vient de dépasser 1 milliard de dollars au box-office autour de la planète. Ça prenait vraiment un fan de Metal pour nous faire oublier le désastre qu’on a connu en 1993 avec l’adaptation de la franchise.
Hollywood c’est bien beau, mais qu’en est-il des artisans de notre scène québécoise? Quels sont les références dans la province côté musique de jeux vidéos ET Metal?
Épiphanie de trame-sonore et bootlegs
Pour ceux et celles qui ne le connaissent pas, laissez moi vous présenter Mathieu Dhani. Véritable légende en devenir de notre scène locale, le vocaliste de Epiphany from the Abyss (maintenant Épiphanie), Killitorous ainsi que From Dying Suns est présentement en tournée nord-américaine avec First Fragment. Outre ses occupations métalliques, il est aussi un avide collectionneur de musique de jeux vidéos sous tout les formats, du disque compact aux vinyles jusqu’aux bonnes vieilles cassettes. Dernièrement j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec lui pour jaser de nos deux intérêts communs.
Ars Media Qc : Premièrement, merci de m’avoir accordé de ton temps pour cette entrevue. Débutons avec l’essentiel, à quel moment as-tu eu le déclic envers la musique de jeux vidéos?
Mathieu Dhani : Dans l’fond, le premier jeu que j’ai joué c’était Super Mario Bros 3 le NES. J’suis le dernier de ma famille, on est 4 enfants, et quand Super Nintendo a sorti, j’avais déjà une manette dans les mains, pis je l’ai juste jamais lâché! D’après moi c’est à partir de ce moment que j’ai aimé la musique pour vrai, mes parents n’étaient pas vraiment musicaux. Mon père vient des Caraïbes, il était plutôt dans la soca de son coin ou du Bob Marley, tandis que ma mère c’était plus la radio québécoise. Donc automatiquement, ce qui m’a fait allumé, c’est à cause du SNES, et Zelda: A Link to the Past, j’devais avoir 2-3 ans. Sinon pour l’aspect Metal, c’est à cause du jeu Mega Man X, ça m’a ouvert une porte que j’ai défoncé à coup de pied. J’me disais, ayoye c’est quoi qui se passe, y’a des mélodies, le choix des notes dans les compositions… même à cette âge là j’savais pas encore c’était quoi, mais c’était straight-up du Metal. J’me gravais des compilations de la franchise sur CD, les autres jeunes à l’école me trouvaient fuckin’ weird hahaha!
AMQ : Petite parenthèse personnelle: Mega Man X ou Mega Man X2?
MD : J’me souviens pas lequel j’ai joué en premier, mais musicalement c’est X2 qui m’a le plus accroché.
AMQ : As-tu des proches qui t’ont orienté dans cette direction musicale? Des amis ou des proches de la famille?
MD : À ma connaissance, je suis un des rares musicien de carrière dans ma famille, le seul autre que je pourrais mentionner c’est mon cousin Éric Tanguay (ex-Bodh’aktan), dans l’temps il avait des bands comme Roadkilled, était un peu wild avec les cheveux longs, avec notre différence d’âge au début je comprenais pas vraiment. Sinon, mon grand frère jouait de la guitare, c’est lui qui m’a fait découvrir Children of Bodom, Unearth, toute cette époque là. J’passais des journées à le regarder jouer, se clancher des solos d’Alexi Laiho. J’avais pas vraiment de talent musical, mais comme dans la vie de tout les jours, j’aime ça écouter, analyser les choses, j’veux voir ce que tu peux m’apprendre. C’est pas mal lui qui m’a vraiment introduit au Metal…
AMQ : Donc même musicalement, t’étais dû pour être un geek..!?
MD : Ouin hahaha!!
AMQ : Là j’ai vu ta collection personnelle de OST (Original Soundtrack) de jeux, à quel moment t’as commencé à collectionner les trames sonores?
MD : C’est assez récent, de me procurer les versions physiques, j’écoute les soundtracks depuis des années sur internet, mais les posséder, obsessionnellement parlant, ça doit faire 3-4 ans. Avant j’ignorais que ça existait. Le premier que j’ai trouvé v’là presque 12 ans, c’était celle de Castlevania: Symphony of the Night en CD, une version japonaise dans un gamestore quelconque, j’pensais même pas que ça se faisait. Je l’ai acheté direct. Dans les dernières années, j’travaille au Exo sur St-Joseph, j’commandais des vinyles pour la shop et j’suis tombé sur la soundtack de Shadow of Collossus. Pardon?! J’avais pas encore de table tournante je l’ai acheté direct! Après j’suis tombé sur un autre, c’était celle de A Link to the Past, pas officielle mais fait par un gars sur un KORG, c’est du génie! Ensuite j’suis tombé sur un groupe de bootleg, et c’est là que j’ai perdu beaucoup d’argent haha!
AMQ : Peux-tu nous parler un peu de ces groupes de bootleg?
MD : Y’a des compagnies qui font beaucoup de choses licenciées, de films ou de jeux, comme iam8bit ou Mondo, mais tout ce qui est bootleg, ça reste tabou, c’est très underground, c’est pour éviter les reventes aussi. C’est des projets fan-made limités, mon Final Fantasy Mystic Quest ça en est un, y vaut pas tant cher, mais y’en a un de Zelda que la pochette c’est la Triforce mélangé avec Dark Side of the Moon de Pink Floyd : 400$!! C’est pour ça que c’est difficile de rentrer dans les groupes, voir même les sous-groupes. Un Big Cartel s’ouvre, faite vos commandes parce qu’après 24 heures, ça disparaît. C’est une communauté qui se tient, mais c’est très niche. Y’a beaucoup d’amour pour la musique de jeux dans les dernières années, au même principe que les animes japonais. J’trippais sur ça quand j’étais jeune, maintenant, c’est rendu mainstream…
AMQ : Est-ce que ton background gamer a eu une influence sur ta vie de musicien? Que ce soit autant comme côté composition que prestation?
MD : J’te dirais que la plus grosse influence que ça l’a, c’est que j’procrastine beaucoup haha!
AMQ : Wow! Ce commentaire là vient de justifier l’entrevue au complet!
MD : Mais, pour moi, toute mon éducation musicale a été majoritairement à cause des jeux vidéos. Au point ou j’suis en train de travailler sur la composition d’un album qui est absolument inspiré d’un jeu en particulier, c’est un melting pot de mes connaissances, autant des thèmes que du concept ou des lyrics et le artwork, tout ce que ça englobe, mais j’peux pas en parler pour l’instant.
AMQ : On dira pas lequel de tes 4-5 bands, ça va pouvoir passer dans l’beurre haha!! Côté vocal, t’es quasiment rendu le nouveau Dominic Forest Lapointe des chanteurs Death Metal, t’es partout!!
MD : J’serais pas prêt à dire ça, parce que y’a du monde qui travaille plus fort que moé. J’ai forcé beaucoup pour être là ou j’en suis, maintenant, je n’essaye plus de me dépasser tout l’temps, j’me sens assez confortable dans mes habiletés sans avoir à prouver quoi que ce soit. J’suis rendu à un stade avec mes compétences de pouvoir expérimenter.
AMQ : Ayant un pied dans chacun de ces deux mondes, comment vois-tu l’industrie de la musique underground, ainsi que celle des jeux vidéos aujourd’hui en 2023, comparativement à tes débuts? Autant des réseaux sociaux, médiums que par la distribution? Comment vois-tu la transition du format digital?
MD : Pour la scène Metal, j’pense pas que le modèle dans la scène underground va changer. Tout l’monde va vouloir des CDs, des cassettes ou des vinyles. Les cassettes reviennent de plus en plus, et le vinyl est plus fort que jamais. Dernièrement, le vinyle a même dépassé les ventes de jeux de PlayStation 4 et 5 en 2022! As-tu idée à quel point ça pas de bon sens? Aujourd’hui avec les plateformes de streamings où tout est gratuit et accessible, le vinyle est plus rentable pour les bands, y’a encore des trippeux, j’suis l’premier, si j’achète un album format Cd, j’suis habitué de le mettre dans mon char et ça s’arrête là, ça pas de valeur. Tandis qu’avec un vinyle, il est dans son sleeve, j’ouvre le gatefold, tu le déposes tranquillement, c’est un rituel, j’ai le goût de tout absorber. Côté jeux vidéos, ça m’a pris beaucoup de temps à me rendre compte que les soundtracks se faisaient en format physique, y’a un engouement tellement fort envers la nostalgie, ça m’a pris un certain temps à comprendre, mais l’impact aurait été tout autre sans la musique qui l’accompagnait… j’ai apprécié le format digital des jeux dû à l’accessibilité, t’as toute à même place, mais y’a rien comme recevoir une pièce originale, tout le travail qui a été fait se retrouve dans la paume de tes mains. Maintenant c’est voici un code QR avec un lien PDF en ligne. Le travail se fait pareil, mais l’impression n’est plus là. Pour qu’une personne aille de quoi de tangible, la possession de ce dit matériel doit être présente, sinon l’intérêt est inexistant.
AMQ : Que penses-tu de l’industrie des jeux vidéos au Québec? Et de la scène Metal locale?
MD : J’connais pas tant ce qui se passe du bord des jeux vidéos au Québec, oui j’connais les Ubisoft, Gearbox et Beenox, c’est des compagnies assez internationales. Comparé à Sabotage ou Berzerk Studios, des compagnies plus indies, y’a un développement incroyable au Québec, et malgré tout ça, un des jeux que j’attends le plus en ce moment, c’est Sea of Stars de Sabotage Studios, juste d’avoir le compositeur Yasunori Mitsuda de Chrono Trigger je capote! Tellement hâte de jouer à ça, j’ai adoré The Messenger, j’suis très optimiste pour l’avenir du jeu vidéo dans notre province. Pour ce qui est de la scène Metal québécoise, j’la trouve vraiment intéressante, parce que t’as du monde qui travaille vraiment fort, au Québec, on a tellement du potentiel, on a des grosses forces, le problème c’est justement qu’on est au Québec. C’est difficile de sortir. La barrière linguistique est omniprésente, à moins d’avoir un intérim, et encore là, musicalement, j’nous trouve incroyable. Mais on a encore des difficultés à se gérer nous même face au restant de monde… on prends pas assez de place, à mon avis.
AMQ : La question qui tue: SNES ou Sega Genenis?
MD : Super Nintendo!! J’me couperais un bras pour ça!
AMQ : Ton top 3 d’albums Metal, ET ton ton 3 de jeux EVER. Aucune restriction.
MD : TA-BAR-NAK!!: Ok, mes tops 3 Metal, pour sûr, y’a Nocturnal de The Black Dalhia Murder. Nocturnal, et plus precisement Trevor Strnad, c’est la raison pourquoi j’suis chanteur de Death Metal aujourd’hui. Planetery Duality de The Faceless, sinon autre le Death Metal, Kezia de Protest the Hero. Pour les jeux, j’aurais pas le choix de faire un top 5: Mega Man X2, Nier Gestahl, Kingdom Hearts, The Legend of Zelda: Wind Waker et Chrono Trigger.
AMQ : Pour conclure, tes trois meilleurs compositeurs de jeux?
MD: Nobuo Uematsu (Final Fantasy), Koji Kondo (Super Mario, Zelda) et Yoko Shimomura (Kingdom Hearts).