Voilà presque deux ans que j’ai traversé l’Atlantique et me voici rendu au statut d’immigré… ou plutôt d’expatrié, il semblerait que ça passe mieux auprès de la populace. Et c’est en vivant loin de ses terres qu’on se rend compte à quel point elle nous est chère. La bouffe, la culture, les paysages de ma Bretagne, notre caractère et notre chauvinisme tant haï des autres, mais qu’importe, c’est aussi ça qui fait le charme de notre mère patrie, la France! Sans faire de politique, je l’aime cette France, cette France profonde qui sent bon le terroir, et par-dessus tout, car c’est bien le sujet de cet article, cette scène Black Metal à laquelle je suis si attaché, je repense bien sûr à des groupes comme Vlad Tepes, Mutiilation et les Légions noires qui ont apporté tant de crédibilité à notre scène gauloise, ou encore, et là je sais que ça ne plaira pas à certains bien-pensants, mais je ne peux m’empêcher de penser également à un certain Messire de Valfunde de la Noire Peste qui est, et je pèse mes mots, un véritable génie quand on pense au culot qu’il a eu en mélangeant un univers hip-hop et du Black Metal dans son opus de 2018, ou encore ce son et cet univers moyen-âgeux qui sent bon le purin dont seul lui a le secret. Et il n’y a qu’à écouter cette nouvelle vague de groupes émergents excellents comme Ascète, Excrementiis, Petracorensis, ou encore le sublime Prieuré pour comprendre l’influence qu’a eu Famine. Je parle de groupes mais n’occultons surtout pas l’importance qu’ont eu des labels bien de chez nous comme Osmose qui je le rappelle quand même a permis au public de découvrir des mastodontes du genre tels que les Suisses de Samael, les Finlandais d’Impaled Nazarene, et les deux machines de guerre scandinaves que sont aujourd’hui Immortal et Marduk, ou encore Drakkar et son créateur charismatique Noktu qui eux aussi ont joué un rôle plus qu’important pour promouvoir le Black Metal français à travers l’Europe et au-delà. Bref, je pourrais tenir des heures sur le sujet mais pour commencer ce voyage à travers le royaume de France, je propose de découvrir ou de redécouvrir ces 10 pépites que votre fou a spécialement dénichées pour vous.
01 – Petracorensis « Larmes et Dures Peines »
Label : La Croix Des Femmes Mortes
Sortie : janvier 2024
Pour commencer, quoi de mieux qu’une des sorties qui marquera cette année 2024, car Petracorensis a créé avec ce premier opus un véritable nectar pour les oreilles de son auditoire.
Il faut dire que le bougre a su s’entourer de beau monde, Ardraos du sublime Suhnopfer, ou encore Konstantin Korolev du magnifique groupe Russe Passeisme. Et dès le début, cet album m’a conquis, la mélancolie rurale et folklorique dans le bon sens du terme, le chant totalement maîtrisé, et en français je précise, par son maître à penser, Guilhaume de Petrocore le bien nommé. L’album oscille brillamment entre misanthropie (Le cénacle des apostats), la fuite d’une société moderne où l’auteur ne trouve plus sa place pour retrouver ses terres ancestrales (L’exode), et un sujet qui a son importance dans ce projet qu’est Petracorensis, la religion avec le morceau « Ichtus », qui signifie « poisson » en Grec ancien et qui est l’un des symboles de la chrétienté à laquelle Guilhaume assume parfaitement sa dévotion. Et n’est-ce pas ce qui en fait un projet rafraîchissant ?
Je dois avouer que ça fait du bien d’avoir des thèmes qui diffèrent du satanisme de base, entre autres… « Larmes et dures peines » m’a vraiment mis une claque à laquelle je ne m’attendais absolument pas. Un chef-d’œuvre indispensable à avoir dans sa collection qui promet un avenir plus que radieux pour ce magnifique projet bien de chez nous !
02 – Prieuré « Le Départ »
Label : Altare Productions / Purity Through Fire
Sortie : octobre 2023
J’en ai déjà parlé plusieurs fois en radio ou par écrit, mais je ne plébisciterais jamais assez Prieuré que je suis depuis ses débuts, et donc de ce dernier album du projet solitaire de son mage noir, Sans Visage. Quel incroyable carnage du début à la fin, du pur Black Metal à la sauce médiévale avec de la rage, de la hargne, des titres tous plus possédés les uns que les autres, d’album en album, Prieuré monte en puissance d’une manière impressionnante.
Vous l’aurez compris, je suis fan à 100 % de ce projet que je crois devenir l’une des entités marquantes de notre scène actuelle. Ce qui est incroyable avec cet album, c’est que même après de multiples écoutes, je ne m’en lasse absolument pas, j’essaie de trouver des petits défauts çà et là, mais impossible, la voix est tranchante à souhait, les mélodies sont majestueuses, et l’univers de l’artiste est quant à lui, comment dire….ensorcelant. Une pure merveille, je vous le dis !
03 – Caverne « La Fin de tous les Chants »
Label : Resilience
Sortie : 2021
Bouleversant, déchirant, poignant, voilà les mots qui me viennent à l’esprit lorsque j’écoute le désormais défunt projet de celui qu’on appelle Amertume qui a fait le choix de se focaliser sur son autre entité tout aussi qualitative, Nécropole. « La fin de tous les chants » fait partie de ce genre d’album qui prend aux tripes dès l’entame, accompagné de hurlements de douleurs qui me filent littéralement la chair de poule.
Tout est lourd d’émotions dans ce dernier méfait de Caverne, en commençant par la blessure et la passion qui se dégagent des titres qui s’enchainent afin d’ébranler quiconque souhaite s’aventurer dans ces marécages de souffrance. Souffrance de laquelle on prend un plaisir étrange puisque cet opus prend possession de celui qui le découvre au point de le rendre accro, et sans abuser, c’est exactement ce que j’ai ressenti, ce besoin d’écouter encore et encore ce sublime bijou beau et sombre à la fois.
Caverne représente à mes yeux la quintessence de ce qui peut se faire en France. À découvrir absolument !
04 – Epheles « Promesses »
Label : Drakkar Productions
Sortie : 2023
Douze ans se sont écoulés après le dernier opus en date « Je suis Autrefois », et je dois dire que je pensais le projet des deux frangins du Grand Est abandonné. Et quelle folie m’a pris quand j’ai appris leur retour sur le devant de la scène Black Metal française !! Eux que j’avais tant appréciés avec leur son ultra glacial et digne des plus grands de ce sombre et obscur univers. Et déjà, je dois avouer que mes attentes étaient énormes concernant ce nouveau méfait plein de « promesses » !! Que dire à part que je suis conquis de A à Z, les membres d’Epheles reviennent avec cette ambiance hivernale dont eux seuls ont le secret, imaginez-vous un instant marchant à travers une forêt enneigée au clair de lune et vous aurez exactement cerné ce qui vous attend dans ce nouveau chef-d’œuvre du groupe. L’album se veut à la fois tortueux et sublime, sombre et magique comme le montre ce passage atmosphérique du titre d’ouverture « Les souillures du temps ».
Epheles n’a pas perdu de sa superbe, bien au contraire, le chant y est toujours possédé au possible pour accompagner des mélodies envoûtantes qui nous ramèneraient directement des années en arrière et ce qui est fou, c’est que tel un phœnix, Epheles renaît de ses cendres de la plus belle des manières avec ce nouveau chapitre majestueux. En espérant maintenant ne pas attendre 10 ans pour avoir la suite car dans mon cas, j’en veux encore !
05 – Aes Dana « Formors »
Label : Adipocere
Sortie : 2005
De la bombarde, du Black celtique, on pourrait croire qu’Aes Dana est tout droit venu de ma chère Bretagne, et pourtant pas du tout. Je dois dire qu’Aes Dana me ramène dans ma nostalgie d’antan où le Black Metal celtique était à la mode dans nos contrées, je pense notamment à des entités comme Heol Telwen ou Bran Barr pour ne citer qu’eux. Ce que j’adore dans cet album, c’est que la bande de Paris ait réussi à mélanger à la perfection violence guerrière et folklore avec l’utilisation d’instruments traditionnels comme la bombarde tout en restant un pur groupe de Black Metal. Ça ne sonne pas gnangnan, bien au contraire , la rage du combattant au bouclier est bien présente, et par-dessus tout, il y a, tout au long de ce terrible album, une atmosphère prenante pour l’auditeur qui se met à rêver de conquêtes et de batailles légendaires. Un magnifique album pour un groupe qui manque vraiment à la scène française puisqu’il n’a plus rien sorti depuis une éternité. À découvrir absolument !
06 – Hargne « Le chant du coq »
Label : Those Opposed Records / Indépendant
Sortie : 2024
Imaginez un instant que les Béruriers Noirs se mettent au Black Metal… Et bien vous aurez exactement ce que Hargne propose, de la boîte à rythmes « punkisante », et une ambiance malsaine, putride, qui nous amène directement dans ce genre de rue mal famée qui sent la pisse.
Hargne, c’est l’originalité sans faire n’importe quoi, au contraire, du début à la fin de ce « Chant du coq » c’est de la bombe atomique, chaque titre arrive à conquérir celui qui y tendra l’oreille. Un artiste qui au bout de trois sorties (2 albums et un EP) n’a pas perdu sa violence, il n’y a qu’à se concentrer un moment sur des titres comme « Faits divers » qui foutent littéralement la haine avec son riff hostile, les hurlements sauvages et cette boîte à rythmes envoûtante, ou encore « Au compost » qui me ramène tout droit au culte « Macadam Massacre » des Béruriers Noirs, de même que le morceau clôturant ce sublime album « Cassement de tête » qui ne vous donnera qu’une seule envie pour terminer, détruire tout ce qui se
trouve sur votre passage. Hargne est un artiste magique qui plaira autant aux amateurs de Punk qu’aux auditeurs de Black Metal. Une découverte incontournable de ce cru 2024 !
07 – Te Ruki « Marako Te Ruki »
Label : Vama Marga Productions
Sortie : 2022
Si je vous parle de Tahiti, vous vous imaginerez tout de suite les plages magnifiques sous les cocotiers avec un ukulélé et un petit cocktail pour agrémenter le tout. Mais on n’est pas là pour parler vacances et croyez-moi Te Ruki vous emmènera dans un univers obscur et sombre au cœur de la mythologie polynésienne et soulignons-le, tout ça chanté en Tuamotu (langue presque morte parlée par une poignée de personnes), ce qui en fait un groupe et une œuvre unique en son genre.
Et dès l’entame de cet excellent « Marako Te Ruki » (Nuit illuminée en français), les blastbeats sont bel et bien là, l’atmosphère y est guerrière et mystique, le chant quant à lui est ténébreux au possible. Tout y est dans cet album, sans oublier la production qui pour le coup est impeccable et colle parfaitement au style du groupe. Ce qui fait l’originalité de Te Ruki, ce sont aussi ces clins d’œil à leur culture par-ci par-là, je pense à l’utilisation de flûte mutine ou de percussions polynésiennes entre autres. « Marako Te Ruki » est un véritable ouragan qui fait du bien au Black Metal actuel. Outre le fait que le groupe représente quelque chose d’un peu exotique dans la sphère Black Metal, c’est vraiment un petit coup de cœur pour moi qui, je pense, saura trouver grâce à vos oreilles. À écouter sans plus attendre !
08 – Aigro Mucifelam « Lost Sounds Depraved »
Label : Insidious Poisoning Records
Sortie : 2007
Après avoir rendu hommage aux dieux du pacifique, il était plus que temps de déterrer les pépites oubliées de notre scène hexagonale. Et pour cela qui de mieux que le marseillais d’Aigro Mucifelam ?
Avec son seul maître à bord répondant au nom de Krof, Aigro Mucifelam a sorti un unique album qui aura marqué son époque avec un Black Metal raw possédé tout droit sorti d’outre-tombe. Dépravé, n’ayant donné aucun titre à ses morceaux, ce « Lost Sounds Depraved » est un monstre noir sans âme humaine, la haine y est omniprésente, Krof déclare ici la guerre à cette humanité qu’il déteste tant, la batterie martèle sans relâche pour détruire celui qui s’aventure au cœur de cette bête immonde. Les hurlements accentuent ce côté inhumain de l’artiste et croyez-moi ça balance à fond, tous les coups sont permis et le pire c’est qu’on en redemande. Un album unique qui mérite totalement d’être remis sur le devant de la scène !
09 – Autarcie « Apogée, Ivresse, Agonie »
Label : Purity Through Fire
Sortie : 2021
Comment parler de Black Metal français sans mentionner Autarcie qui est pour moi un incontournable de notre terroir musical. Et c’est de leur dernier chapitre « Apogée, Ivresse, Agonie » dont je voulais parler puisqu’il est le dernier que le groupe ait sorti avant l’arrêt du projet des deux comparses Nokturn et Skogsvandrer.
Et c’est d’abord le mot « guerrier » qui me vient en tête en pensant à ce chef-d’œuvre des Bisontins dès l’introduction au son des épées et des tambours accompagnant cette bataille qui commence. Le deuxième mot qui me vient à l’esprit c’est « épique » car cet album se découvre comme une aventure, une épopée assez médiévale dans l’esprit, où régionalisme et amour de sa terre sont au centre de l’album. Et enfin, le troisième mot serait « nostalgie », car ce dernier opus du groupe en est bourré, l’artiste contemple le déclin de l’Europe et de son peuple dans une amertume profonde.
Musicalement, « Apogée, Ivresse, Agonie » m’a conquis de bout en bout, il y a d’abord ses superbes claviers me rappelant directement un certain Burzum époque « Filosofem », ses textes parfaitement écrits dans la langue de Molière, ses ambiances tantôt atmosphériques et éthérées, tantôt combatives et conquérantes à tel point qu’on peut s’imaginer entrer dans la bataille pour la gloire de nos ancêtres. Autarcie, encore une fois m’a conquis à 100 % avec un Black Metal oscillant entre ruralité (piste 3 : France Profonde) et ambiance presque OÏ! (piste 06 :Gladio Vivere, Gladio Morietur) bien urbaine et hostile. Un album majestueux pour un groupe qui manquera dans le paysage français, mais qui sait ? Peut-être reviendront-ils un jour…
10 – Mutiilation « Black Millenium (Grimly Reborn) »
Label : Drakkar Productions
Sortie : 2001
Alors là, attention !!! On parle d’un groupe et d’un album que je considère ultra-culte pour notre scène hexagonale. Mutiilation et les légions noires, c’est un peu notre Black Metal Inner Circle à nous.
Je pense à cette époque où le Black Metal n’était encore accessible qu’aux plus initiés d’entre nous, une époque ou le Black Metal n’était pas simplement une musique comme les autres, mais un genre de science occulte avec ses codes, son univers unique, sa réputation sulfureuse, une musique qui faisait peur au bien-pensant, qui sonnait vrai, tout simplement. Et pour imager cette époque dont je me souviens parfois avec un peu de nostalgie, quoi de mieux que ce chef-d’œuvre d’art noir qu’est « Black Millenium ».
Entrez au cœur d’un univers où règne la crasse, la douleur, le malin, la souillure, un univers où la haine de l’humanité tout entière est omniprésente. Mutiilation est malsain déjà dans son imagerie provocante (Meynac’h en photo sur une chaise roulante en corpsepaint), mais avant tout, il est un pur génie du mal avec son Black Metal unique, ses guitares mal accordées stridentes mais qui font tellement mouche à chaque fois. Ce bijou de Mutiilation est encore aujourd’hui un indispensable pour quiconque prétend écouter du Black Metal. Tout y est, du son ultra obscur et occulte à l’ambiance crade, en passant par l’attitude qui se dégage de cet album. Un chef-d’œuvre tout simplement !