Plus personne ne voudra avoir d’un Match des Étoiles de la LNH après avoir vu tout ce qui est arrivé lors du Tournoi des 4 Nations. Le côté spectacle d’un match des étoiles permet aux joueurs de s’illustrer dans un festival de buts tandis que lorsque tu joues pour ton pays, tu as le couteau entre les dents. Et ça, nous l’avons vu. Le climat politique actuel a fait que l’enjeu se voulait encore plus émotif pour le Canada. Avec les déclarations de Trump face au fait d’avoir le Canada comme un 51e État, les tarifs et les salves envoyés aux joueurs canadiens, il y avait de quoi avoir les nerfs à vif.
Si la situation politique actuelle face à la Russie n’était pas la même, il est évident que nous aurions eu un Tournoi des 5 Nations. Effectivement, ce pays est exclu des grandes compétitions internationales et ce, depuis la guerre avec l’Ukraine. Pour le Tournoi des Nations, la Russie se serait retrouvée dans le lot et il est facile d’imaginer que leur équipe aurait bien paru durant cette compétition. C’est clair, net et précis.
Dans le domaine métallique, bien peu d’amateurs mettent un X lorsque vient le temps d’apprécier l’œuvre musicale d’un artiste ou groupe. Les fans de metal ne veulent probablement pas politiser l’adhésion face à une formation, à moins que la formation ne s’exclame haut et fort face à certaines tendances politiques.
Nous venant de la Sibérie en Russie, coin du frette extrême dans ce pays, nous avons la formation Grima. Ce groupe, qui existe depuis une dizaine d’années, exploite la thématique frigorifique sur ses albums, dans sa musique et dans ses textes. Maintenant signé chez Napalm Records, Grima est mené par deux frères jumeaux utilisant les pseudonymes que sont Morbius à la guitare et basse en plus de Vilhelm, aux mêmes instruments, les claviers et la voix. Sur les photos officielles de cette formation russe, nous pouvons voir quatre spectres avec d’étranges masques de bois, ce qui donne aux musiciens une identité secrète et surtout, laisse planer le doute sur les deux autres.
Qui sont-ils? En feuilletant la liste des musiciens qui ont participé à l’album, nous voyons quelques noms au niveau des voix, basse, percussions et au niveau de l’accordéon. Il est fort probable que les deux autres spectres de la forêt soient des musiciens de tournée. Mais peu importe, gardons le tout mystérieux…
Comme de raison, la gimmick est importante dans l’imagerie proposée par Grima mais au-delà de l’aura mystérieuse, du froid sibérien, des masques boisés horrifiques et des musiciens énigmatiques, qu’en est-il du contenu? De mon côté, et vous pouvez le confirmer, il est plutôt rare que je m’attarde à des formations de black metal sur ArsMediaQc. Il faut que j’accroche et ce, solidement.
Et c’est ce qui est arrivé avec Grima. Oui, j’avoue que la gimmick arboricole et frigorifique a mis du poids dans la balance. Après avoir visionné le fantastique clip pour la pièce Flight of the Silver Storm, je m’étais dit que je me devais de jeter une oreille à l’album complet lorsque Napalm Records allait me faire parvenir ma copie promotionnelle.
C’est ce que j’ai fait lorsque je l’ai reçu, je me suis clanché l’album en boucle pendant trois tours, samedi matin. Un peu comme lorsque j’ai fait l’écoute du dernier Scare, il a fallu que j’isole les bruits ambiants. J’ai branché mes écouteurs et ainsi, j’ai pu profiter de toutes les richesses et subtilités dans les arrangements qui se retrouvent sur les 10 pièces de cet album du nom de Nightside.
Metal noirci aux teintes musicales ambiantes et atmosphériques, le pas de cadence est imposé avec l’introduction du nom de Cult. Guitare avec délai, coup de semonce sur le gros tambour, le tout est complété par une ligne d’accordéon, ce qui nous permet de visualiser un espace boisé, froid et glacial aux arbres dénudés de tout feuillage.
Ensuite, Beyond the Dark Horizon place la sonorité bien noircie (mais gonflée) aux arrangements précis avec quelques pulsations du bayan (un type d’accordéon), des couches de guitares et de basse, une dualité des voix qui alternent entre l’appel envenimé et l’autre, aux cordes vocales aux engelures profondes. Grima ne tente pas de battre des records de vitesse, c’est en subtilité que le groupe s’exprime.

C’est plus pimpant sur Flight of the Silver Storm. La façon de faire demeure intacte, c’est poignant et émotif, le doux zéphyr siffle à la base de mon cou. Lors de la portion du milieu, Grima accélère la cadence mais ne perd rien en subtilité. Cette façon de faire se veut un tour de force car, bien souvent, lorsqu’un groupe met la pédale au plancher, on se perd au niveau des détails.
Avec Skull Gatherers, Grima offre un morceau beaucoup plus massif, plus bourru au niveau sonore. Même l’accordéon semble entre passé dans le suif de porc. Par contre, c’est la parcelle vocale plus serpentaire qui domine sur celle-ci, venant proposer un contraste face à l’interprétation musicale. En poursuivant avec Impending Death Premonition, les musiciens reprennent avec rigueur. La ligne de basse est très pimpante sur cette pièce, la partie vocale en arrière semble s’être gargarisée avec une série de glaçons bien effilés et quelques voix claires, très subtiles, viennent compléter le tout.
Je ne regrette aucunement mon écoute avec écouteurs. Cet album de Grima ne peut pas être consommé comme musique de fond, loin de là, et The Nightside me confirme le tout. Ambiance froide en ouverture, une guitare plus acoustique point pour nous laisser la voix frigorifique dans le creux de l’oreille. Morceau plus écrasant, j’imagine encore mon arrivée sur la rue Sauvé, mardi matin, alors que rien n’avait été ramassé au niveau de la neige. Les amoncellements de neige étaient tellement hauts que j’avais l’impression de piloter un X-Wing dans les corridors du Death Star.
Et plus j’avance dans l’album, plus je me rends compte qu’il demeure un album hivernal. Je ne m’imagine aucunement écouter Nightside en pleine canicule, en Speedo, sur le bord de la piscine en sirotant une IPA du Nord-Est. C’est une production qui se marie à la perfection avec ce qui vient de se passer mais surtout, avec les images qui nous ont été laissées par les deux tempêtes.
Je poursuis l’expérience sonore qu’est Nightside et Where We Are Lost parle d’elle-même. J’ai l’impression d’être aveuglé par des vents immenses qui soufflent des bourrasques de neige devant moi. Et ce n’est pas parce que c’est rapide, c’est plutôt que la sonorité de cette pièce se veut, poudreuse! C’est l’attaque à la basse, excessivement ondulante, qui créé ce mur musical, enneigé. La mécanique ardente de la pièce suivante, Curse of the Void, me rappelle qu’il va falloir que j’aille gosser après mes trois gros contenants (poubelle, compost et recyclage) pour pouvoir les sortir de la neige. Même si j’ai gratté devant, ils sont imbriqués fortement dans ce mélange de neige et glace.
L’expérience sonique qu’est Nightside se termine avec Mist and Fog. Orienté vers la contemplation, ce morceau permet de partir lentement, ne serait-ce que pour l’ajout de la chevauchée à l’accordéon lors des derniers mouvements, ce qui ravigote un brin. Mist and Fog demeure un morceau qui se prend comme un dernier souffle, juste avant de se fondre dans l’outro du nom de Memories of a Forgotten Home, qui permet à l’auditeur de retirer calmement son casque d’écoute, sur les notes finales des claviers ambiants et de la guitare nordique.
En toute franchise, cet album m’est arrivé dessus comme un véritable vent de fraicheur dans cette période froide et enneigée. Si certains écoutent de la musique latino comme du Bad Bunny pour passer au travers de l’hiver, de mon côté, je sens que je dois me sacrer la tête et les oreilles encore plus profondément dans le frimas (surtout musical) pour y arriver. Je suis un type nordique, aucun doute là-dessus et d’avoir un groupe comme Grima ne fait que me satisfaire face au black metal ambiant de haute qualité.
Reste plus qu’à savoir si d’autres amateurs de metal vont adhérer à ce que Grima propose… et reste à savoir aussi si Ovechkin va annihiler le record de buts de Wayne Gretzky!
Disponible le 28 février sur Napalm Records.
www.facebook.com/grimablackmetal
Photo : Mikhail Yuyukin, Viktor Shkarov, Marat Zaborovskiy