La tempête liée au passage de Pantera à Québec est maintenant chose du passé. Cet effet se voulait polarisant, tous et chacun avait son mot à dire sur la situation. Sur les pages de discussions métalliques, où la politesse et la compréhension sont rarement au rendez-vous, le débat se voulait autour du fait que cette visite de « Pantera » ne se voulait qu’une version hommage et non pas la véritable formation. Effectivement, ce n’est pas la vraie version de Pantera, celle qui a pu faire ses choux gras durant les années ’90.
Sinon, la véritable « vraie version » est celle de 1983 qui réunissait les musiciens qui jouaient sur Metal Magic avec le chanteur Terry Glaze, Rex Rocker à la basse (pseudonyme de Rex Brown à l’époque) en plus des frères Abbott à la guitare et aux percussions. On peut niaiser longtemps avec ça…
Mais non, je comprends le point. Je le comprends parfaitement même. C’est certain que l’essence même de Pantera, sa raison d’être et d’exister demeurait en la présence des frères Abbott.
Sans eux, il n’y a donc pas de Pantera en tant que tel. Ce qui se résume à une entité complète qui roule sur les routes lors de tournées, enregistre des albums et en fait la promotion. Ce qui s’est retrouvé en ouverture de Metallica en 2023 et à Québec la semaine dernière, ce n’était qu’un salut aux frères Abbott. Un clin d’œil face à leur impact incommensurable dans le domaine du metal moderne.
Tu veux appeler cela un hommage?
Aucun problème avec ça car la promotion face à cette série de concerts nous dirigeait vers ça.
Oui, ils n’y sont plus mais Anselmo et Brown peuvent continuer de rouler sous le nom car ils ont l’accord de la famille Abbott. C’est certain qu’une partie des profits est partagée avec la famille Abbott, et c’est bien ainsi. Comme avec le Death to All et la famille Schuldiner.
On pouvait lire sur l’affiche : « Pour les fans. Pour les frères. Pour l’héritage » ce qui confirme que c’était effectivement un hommage. Mais pour un groupe hommage, c’était du gros calibre. Zakk Wylde (vous seriez surpris par le nombre de certificats de naissance pour des Zakk, au Québec, en relation avec ce guitariste) à la guitare était un choix judicieux compte tenu de l’amitié qui unissait Dimebag à Wylde, et même constat pour Charlie Benante aux percussions, qui était un ami proche de Vinnie Paul.
Si on se fie à la logique qui proclame que sans les frères, pas de Pantera, faudrait-il dire que sans Piggy, pas de Voïvod? Pas de Riley, pas de Power Trip? Pas de Hanneman, pas de Slayer? Pas de Cliff, pas de Metallica? Pas de Cavalera… Ça, c’est un autre dossier par exemple!
J’étais sur place pour le concert de Pantera au Centre Vidéotron de Québec, le mardi 27 février 2024. Je me suis pris deux journées de congé, nous avons dormi à l’hôtel et mangé à La Souche de Limoilou, juste avant le spectacle. Un trip total et parfait, en famille et entre amis!
À la vente des billets en novembre 2023, j’en ai pris une paire dans la section admission générale. Sur le plancher, pas de chaises en vue, que des gens. Un brin chérant, je dois l’avouer mais je plonge! Cadeau de Noël 2023 pour fiston?
C’était dans la poche, voyage à Québec en plein pendant la semaine de relâche, ce sera juste en plein dedans! Mon gars de 14 ans aime Pantera, il en écoute depuis qu’il a découvert le metal et de les voir avec Metallica ne se voulait pas suffisant. Grand fan d’Anthrax, d’avoir Charlie Benante en plus se voulait un combo plus qu’intéressant.
Nous nous sommes donc retrouvés sur la clôture, en avant côté gauche (côté jardin pour les gens de théâtre) devant Rex Brown, pour pouvoir participer à cette célébration. Entre la prestation de Snafu et celle de Lamb of God, en plus de la suivante entre Lamb of God et Pantera, j’ai discuté avec les gens autour de moi. Des gens fin trentaine et début quarantaine qui avaient le goût de jaser, à la base curieux de me voir avec fiston. En jasant, nous en sommes venus à discuter du nombre de fois où nous avions vu Pantera en concert. La plupart, c’était la première fois. Pour moi, non. C’était la cinquième fois.
Quand je racontais que j’avais vu Pantera en 1993 au Pavillon de la Jeunesse avec Lankhmar en ouverture, les mâchoires tombaient sur le plancher qui recouvrait la surface glacée des Remparts de Québec.
« Je ne pouvais pas y être, je n’avais que 3 ans! » de dire l’une.
« Je voulais y aller mais ma mère ne voulait pas! » de répondre l’autre.
Retour en 1993 : Soirée mémorable. L’accès à la scène était possible pour tous ceux qui avaient l’audace d’y aller, pour ensuite plonger dans cet océan d’amateurs de metal. Le mosh pit se voulait d’une intensité plutôt incroyable, j’ai réussi à m’immiscer jusqu’au-devant de la scène, je suis monté pendant la pièce By Demons Be Driven mais le temps d’y arriver, je me suis retrouvé devant le moniteur de Dimebag, en essayant de ne pas m’accrocher dans son rack d’effets.
Il s’est planté devant moi, m’a agrippé par les deux épaules et m’a dit, en anglais mais je vous le traduis : « Tu es arrivé à la fin de la chanson! Reste derrière moi, tu te prends un élan et saute lors de la chanson suivante, c’est bon? » J’ai acquiescé de la tête, tout en étant excessivement ébloui par la gentillesse de Dimebag, moi qui croyais que j’allais me faire détruire par leur garde du corps, Big Val.
Tentant de reculer sans ne rien briser, Dimebag m’a rattrapé par le bras et m’a dit : « Tu ne peux pas partir comme ça, tiens! » tout en m’enfonçant son pick de guitare dans le fond de la main.
« Now you can go!”
Signe de tête approbateur de ma part et Pantera enligne Mouth for War. Mes 118 livres de l’époque et la tignasse au vent, je me retrouve en survol, le temps d’atterrir sur une horde de semblables, le pick encore bien inséré dans le fond de ma main.
Après le show, dans l’autobus, car nous montions en voyage organisé, j’ai raconté l’anecdote à quelques reprises, ce que je fais encore régulièrement.
Mardi soir, en racontant cette histoire une énième fois (la blonde du gars me disait qu’il était un méga fan de Dimebag) à un pur inconnu, il était subjugué. Il savait que Dimebag avait la réputation d’être un bon gars mais d’entendre une confirmation de la sorte, cela dépassait ses attentes.
Et c’est cela l’héritage de Pantera, en tant qu’entité complète. Les frères Abbott étaient vraiment de chics types et leur réputation n’était pas une légende urbaine. La nostalgie m’a probablement entrainé mardi, de tenter de vouloir faire vivre le tout à mon fils aussi. Comme de raison, ce n’est pas comme dans les années ’90, j’en suis bien conscient et je ne suis pas dupe.
Nous étions juste excessivement satisfaits d’y être, d’avoir pu communier avec nos semblables le temps d’une soirée sur des chansons qui se veulent immortelles, dans un sens.
Est-ce que cette version de Pantera se veut un hommage? Bien dommage, mais non. Ce n’est qu’un immense salut aux frères et un merci aux fans, le tout… en metal. C’est tout.
Mais il faut que le tout reste ainsi, sur scène uniquement. Comme le fait Emperor.
Pas de nouvel album sous le nom de Pantera. Même Zakk Wylde a dit qu’il y a un intérêt pour enregistrer de la musique avec les gars mais sous un autre nom.
De mon côté, uniquement le catalogue de chansons, livré en concert pour pouvoir célébrer le tout? Je serai présent à chaque fois!
Photo : Mihaela Petrescu, Centre Vidéotron de Québec, mardi 27 février 2024