La tournée très attendue Devastation On The Nation était de passage à la capitale nationale hier soir, le 5 mai 2022, et mettait en vedette les groupes Stormruler, Vale of Pnath, Ghost Bath, Abigail Williams, ainsi que les légendaires Borknagar et Rotting Christ.
Dès l’ouverture des portes, nous pouvions ressentir un grand enthousiasme de la part des spectateurs pour cette soirée qui, pour une partie d’eux, était la première sortie depuis la pandémie. Il faut d’ailleurs se rappeler que cette tournée était supposée avoir lieu au mois d’avril de 2020, soit au tout début de ce désastre biologique et administratif. Quelques jours avant l’événement, nous avions reçu un avertissement disant que Borknagar et Rotting Christ avaient des problèmes aux douanes et leur présence était, encore une fois, incertaine. Par contre, les problèmes se sont réglés à temps pour les Montréalais la veille, soit le 4 mai 2022. L’ambiance était donc très amicale et chaleureuse, et les fans de musique lourdes présents étaient prêts pour une grande programmation.
Le groupe black metal Stormruler du Missouri est monté sur la scène en premier, en livrant une performance honnête et très modeste. Leur musique est un black métal très cliché et générique, dont la plupart des riffs qui ont été joués ont déjà été entendus à de maintes reprises dans plusieurs autres groupes, mais c’était bien exécuté, somme toute. Les musiciens étaient assez charismatiques et professionnels, et c’était parfait pour réchauffer la salle et mettre la table.
Vale of Pnath, un groupe étiquetté de death metal technique du Colorado, ont été les deuxièmes à se produire sur la scène. Sincèrement, leur performance était impeccable et leur musique était assez intéressante. Il s’agissait d’un des meilleurs groupes de la soirée au niveau de l’originalité musicale, et un concept autour de Lovecraft se prend toujours aussi bien. Il y avait plusieurs passages inattendus dans leur musique, et chaque musicien avait sa place. Le seul petit hic est qu’on semblait entendre une guitare en playback (pré-enregistrée en français), mais quand on ne connait pas le groupe et qu’on est en mode découverte, cela ne dérange pas trop puisque les musiciens montrent qu’ils sont capables d’exécuter leur partition, assez complexe. L’étiquette death métal technique est un peu réductrice puisque le groupe avait une richesse musicale qui allait au-delà du cadre du style. Bref, cette formation a un avenir assez intéressant et est à surveiller.
Les prochains à se faire entendre sont les « mystérieux » plus tant mystérieux Ghost Bath, un groupe du Dakota du Nord qui a créé un engouement autour de son anonymat et autour de sa fausse nationalité chinoise. Par contre, dès le deuxième album, les membres du groupe ont dévoilé leur vraie identité et se sont mis à se produire en spectacle. La performance du groupe était sincèrement très bizarre. Leur style est défini comme étant du « Depressive/Post-Black Metal », alors la foule s’attendait à un marathon de lamentations et de démonstrations de faiblesse. Ce n’était pas ce que le groupe a offert sur scène et ils avaient même un petit côté clown dans ce qu’ils dégageaient. Heureusement pour les spectateurs qui ne tripent pas trop sur ce style de musique, leurs chansons en spectacle sonnaient plus death, pas mal moins dépressives, et étaient plus violentes. Les musiciens en soit étaient très professionnels et tout, mais il manquait beaucoup de cohérence dans l’ensemble. Quand ils ont fini de jouer, certaines personnes se demandaient même qui avait joué et pensaient que c’était un autre groupe. Il semble avoir un certain clash entre la performance sur scène et ce que nous entendons en studio. Nul ne sera mieux placé pour nous confirmer qu’un fan du groupe, ou une écoute attentive des albums studio.
Abigail Williams, un groupe de black metal atmosphérique/symphonique de l’Arizona dont nous avons souvent entendu le nom ces dernières années, est monté sur la scène devant un Impérial qui commençait à être pas mal bondé de monde. Le chanteur du groupe, Ken Sorceron, qui est aussi le chanteur de Vale of Pnath, est excellent, mais le reste était très générique et c’était malheureusement le moins bon groupe de la soirée. Les musiciens en soit sont très professionnels, mais on avait un peu l’impression d’entendre la même chanson jouée six fois. Dans la foule, on entendait des gens dire que le groupe a dépassé son temps alloué, mais ce n’était pas le cas. Ils ont bel et bien joué le temps qu’ils avaient à jouer, mais c’était malheureusement long.
Quand le groupe norvégien Borknagar a commencé à jouer, on voyait immédiatement qu’on était entré dans notre argent. À eux seuls, ils valaient le prix du billet. C’est avec eux que nous sommes entrés dans les ligues majeures, c’est-à-dire dans un monde où autant la performance était au rendez-vous que la qualité des chansons. Borknagar est un groupe fondé en 1994, qui œuvre dans l’univers du black metal progressif. Ici, nous n’avions pas affaire à une simple « performance professionnelle », mais bien à une profondeur et une complexité artistique qui ont transporté la foule à un niveau supérieur. Les voix étaient spectaculaires, dont celles du légendaire ICS Vortex (ex-Dimmu Borgir et Arcturus, entre autres). La musique avait des contrastes et une richesse que nous n’avions pas encore vus au courant de la soirée. C’était assez mémorable, malgré le petit débalancement général du son. Une mention spéciale va au choix de basse de Mr.Vortex (Rickenbacker) et du t-shirt qu’il avait sur le dos (Motörhead) qui nous montre que le gars est old school en svp!
C’est au moment où on pense qu’on ne verra pas mieux qu’on se trompe. Les légendaires Rotting Christ de Grèce ont fermé la soirée avec une performance digne des plus grands noms de l’histoire. La performance était à en couper le souffle. Il est très difficile d’avoir son propre son, surtout de nos jours, et Rotting Christ sont parmi les rares à avoir réussi. En plus de composer une musique différente et d’avoir une sonorité très riche et orchestrée en studio, le groupe réussit à livrer une performance marquante en rendant justice à ces monuments qu’ils composent depuis leur formation, en 1987. Le son était très bien balancé et les gars étaient en feu. Chaque détail était pensé, et chaque musicien méritait sa place sur la scène. C’était le groupe qui interagissait le plus avec la foule (quoi que Borknagar n’a pas laissé froid, avec le guitariste qui est monté sur un des balcons, entre autres). Le bassiste était hyperactif et ceux qui étaient sur le parterre pouvaient l’entendre hurler sans micro à partir de la scène quand il demandait aux gens de faire «hey, hey hey ». Quoi qu’il en soit, force est d’admettre que Rotting Christ ne laissait aucune chance à aucun autre groupe de leur arriver à la cheville, pas même Borknagar. La qualité de leurs compositions, leur impact, leur son et leur performance étaient sans failles, et tout était rodé au quart de tour.
En résumé, le passage de Devastation On The Nation dans la capitale nationale valait l’attente. C’était une excellente occasion de montrer à des spectateurs plusieurs générations de groupes, ce qui laissait place aux découvertes. Il y avait cependant un peu trop de groupes, ce que bien des gens déploraient de cette tournée. Par contre, on en a eu pour notre argent et le prix du billet était très abordable par rapport à la qualité de la soirée à laquelle les fans métalliques de la capitale avaient le droit.
Photos: Charles-Alexandre Tourchot