Je dors bien, c’est frais la nuit et je laisse ma fenêtre entrouverte. Mais le jour, c’est encore chaud. Dans mon bureau, au travail, je ne le sens pas vraiment. C’est probablement en relation avec le plancher en béton, ce qui laisse toujours un sentiment de fraicheur au niveau de mes mollets. Mais parfois, je sors dans la cour de récréation et il fait encore chaud. Très chaud, trop chaud. J’ai même des classes qui climatisent encore, surtout celles où nous retrouvons plus d’élèves car chaque jeune dégage une certaine chaleur. Quittant tôt le matin, je mets ma petite veste mais en revenant en fin de journée, elle prend le bord et se retrouve dans le fond de mon véhicule.

Par contre, ce que j’aime de la fin de semaine et ce depuis quelques temps, c’est que les matinées demeurent frisquettes. Pour mes balades dans mon Terrebonne adoré, cela demeure parfait de pouvoir marcher dans les chemins boisés avec ce sentiment rafraichissant, tout en ayant un fond de soleil qui me grille la casquette.

Depuis un mois et des poussières, je peux le faire avec un album parfait pour ce genre de marches de santé. C’est avec Absolute Elsewhere de Blood Incantation que je peux m’exécuter et cet album se veut fantastique pour cette pratique. Les feuilles commencent à se retrouver sur les chemins, les glands de chêne étant bien mûrs, roulent dans les sentiers, permettant aux marcheurs de les piétiner ou de les botter avec aplomb.  

Dernièrement, je me suis équipé de nouveau avec un casque d’écoute qui englobe les oreilles totalement. Les écouteurs qui entrent dans les oreilles de type Bluetooth sont corrects mais je préfère grandement les modèles de la vieille école, même si tu te retrouves avec les oreilles comme dans un fourneau à broil.

J’assume totalement mon choix et ce type d’écouteurs se veut vraiment l’idéal pour écouter ce nouvel album de Blood Incantation. Album riche et rempli de sonorités subtiles, je me devais de pouvoir maximiser l’expérience sonore et cet achat est tombé pile au bon moment!

Cet album de Blood Incantation est constitué de deux longues pièces d’une vingtaine de minutes et chaque pièce est divisée en trois « tablettes ». Comme de raison, pour ce genre d’album qu’est Absolute Elsewhere, il faut maximiser l’expérience en l’écoutant d’un trait ou du moins, en deux portions différentes.

La semaine dernière, le groupe a lancé le court-métrage qui accompagne la première pièce, The Stargate. Accompagnement de grande qualité, le tout se marie à merveille avec ce long fleuve qui déborde de transitions et de ponts musicaux. Avec son introduction qui nous permet d’entendre un genre de sonorité nous laissant croire qu’un personnage déguerpit comme dans les dessins animés, Blood Incantation nous embarque dans sa capsule spatiale en direction de la planète death metal avec une attaque qui nous remet le Morbid Angel antique en oreilles.

Comme départ, c’est puissant! On est accroché mais le périple décélère, laissant Blood Incantation en fonction pratiquement shoegaze/postmetal avec des lignes musicales rappelant Isis… C’est bien amené, la proposition passe comme lettre à la poste et des synthétiseurs antiques nous gorgent les oreilles d’un jus pulpeux à la Tangerine Dream, surtout que Thorsten Quaeschning participe à l’album.

Le groupe est en mode progressif, les changements de tempos s’imbriquent mais le tout se fond à merveille pour créer un bouillon cosmique musical. Les arrangements sont subtils et l’expérience avec casque d’écoute permet de tout analyser, laissant chaque écoute comme étant une période de découvertes. En regardant vers le ciel, au travers des arbres, je m’attends à voir apparaitre un véhicule spatial dans le ciel de Terrebonne tandis qu’une ligne de guitare totalement David Gilmour-esque me perce les oreilles sur un fond de clavier bien appuyé par une ligne de percussions fortement axée sur les hi-hats.

On replonge ensuite en mode death metal sulfureux. C’est punitif, mes pas s’accélèrent et mes souliers suivent vers cette transition de la Tablet II qui se veut soporeuse. Les claviers analogues laissent bouillonner des sons qui se veulent… intersidéraux. La capsule flotte, elle erre dans cet espace sonore riche qui nous permet de confirmer que Blood Incantation se veut des maitres du death metal, poussant les frontières du genre dans des lieux jamais explorés.

Guitare acoustique et flute remettent le véhicule sur le droit chemin et les réacteurs se veulent rechargés par un death metal imposant, mais bien ciselé et qui s’essouffle lentement sur une guitare éthérée.

J’ai les pupilles dilatées et mes oreilles débordent, mais je n’en suis qu’à la moitié de l’album. La seconde portion, du nom de The Message, se veut aussi riche. Elle débute avec une mise en bouche plus épique, plus metal conventionnelle pour se rediriger vers un death metal qui se veut aventurier dans son attitude, avec quelques mouvements plus pimpants sur la guitare pour cette première tablette.

La deuxième tablette pompe du clavier gobelotant, te donnant l’impression de marcher sur de la gélatine. C’est surprenant d’entendre autant de sonorités différentes mais qui collent parfaitement au projet. Les musiciens de Blood Incantation reprennent la cadence avec parcimonie, en subtilité et c’est une ligne très Pink Floydienne qui nous tombe entre les deux oreilles.

Où sommes-nous rendus? Que se passe-t-il? Je ne le sais pas, mais j’apprécie grandement cette expérience qu’est Absolute Elsewhere! L’épopée cosmographique n’est toutefois, pas encore terminée car la troisième tablette pour The Message débute en domination death métallique, remplie de rebondissements sonores et la finale proposent des secteurs musicaux qui me remémoraient Emperor avec la portion qui termine With Strength I Burn et qui se fond dans The Wanderer. Excessivement poignantes comme lignes, je suis captivé par toute cette richesse musicale mais surtout, par l’homogénéité que Blood Incantation a été en mesure de créer sur tout l’album.             

Sensation de satisfaction, sentiment d’avoir fait un véritable périple hors de mon corps et c’est digne d’un voyage astral. De pouvoir entendre le tout en marchant dans la forêt demeure un gros avantage et le portrait se veut, admirable!

Est-ce qu’Absolute Elsewhere est le meilleur album de 2024? Aucun doute. Est-ce le meilleur album de Blood Incantation? Fort probablement, ce qui met la barre haute pour le groupe face à leur prochaine production mais sachant que les musiciens demeurent imprévisibles, nul ne sait comment sera leur prochain album.

En attendant, vous vous devez de vous régaler face à Absolute Elsewhere car les frontières cosmiques se veulent repoussées, en plus de celles du death metal!          

Disponible le 4 octobre sur Century Media Records.

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Photos: Julian Weigand