Je me devais d’accepter cette offre d’entrevue avec Amorphis. Ma dernière remontait à l’époque où je tapais sur mon clavier pour voir.ca et il faut dire qu’il ne s’est rien passé par la suite, le tout en relation avec la pandémie. Six ans plus tard, je me vois en mode Zoom sans image avec Olli-Pekka Laine, bassiste d’Amorphis pour parler du nouvel enregistrement du groupe, Tales from the Thousand Lakes – Live at Tavastia. Proposition en concert mais sans public, nous en avons discuté lors de cette entrevue. Ayant fait l’achat d’un nouvel ordinateur très récemment, Oppu n’était pas encore très acclimaté face à sa nouvelle acquisition, ce qui fait que nous avons discuté sans image, comme au téléphone… comme dans le temps! Entretien avec Olli-Pekka Laine, bassiste d’Amorphis.

Bonjour Oppu ! Le temps passe tellement vite, c’est le trentième anniversaire pour Tales from the Thousand Lakes. Cet album est célébré partout et il est considéré comme un album classique par de nombreux fans de heavy metal et de death metal. Mais de ton point de vue, que peux-tu nous dire sur cet album ?

Eh bien… Tout d’abord, quand nous avons enregistré l’album, nous n’avions pas l’intention de faire quelque chose de « spécial » De plus, nous n’étions pas conscients que quelque chose allait arriver avec cet album. Nous voulions juste faire un disque qui nous plairait artistiquement et il a été reçu assez bien, par après. Comme… immédiatement ! Effectivement, cet album est considéré comme un classique dans le genre. Pourtant, c’est assez difficile pour moi de le voir ainsi. Un album classique pour plusieurs amateurs de musique metal mais pour nous, ce n’est qu’un album dans notre discographie. C’est assez difficile, vraiment. Je suppose que cette appellation suivra toujours Amorphis. Nous avons fait cet album et bien sûr, nous l’apprécions. Nous l’honorons avec cette production de la version en spectacle. Nous sommes reconnaissants de ce que cet album a fait pour notre carrière, parce que c’est l’album qui a permis la percée pour Amorphis. C’est devenu notre album phare, dans un sens. Après Tales from the Thousand Lakes, nous avons pu partir en tournée pour la toute première fois de notre carrière. Nous avions sorti du matériel avant cela mais Tales est vraiment celui qui a permis l’expansion d’Amorphis. Nous avions sorti Privilege of Evil et Karelian Isthmus mais ce ne sont pas des productions qui nous ont donné l’occasion de partir en tournée. Nous avons donné des concerts ici et là, des trucs plutôt locaux mais rien d’aussi vaste comparativement à ce que Tales nous a permis de faire. Après cela, les choses sont devenues beaucoup plus faciles pour Amorphis. Nous avons commencé à tourner et par la suite, nous avons eu accès à des studios plus spacieux et d’envergure. Nous avons eu plus de temps en studio, ce qui se veut un vrai luxe ! Mais oui, c’est le genre de chose difficile à comprendre, surtout pour nous, vous savez. Pourquoi ? Parce que nous sommes membres du groupe, nous sommes probablement trop proches pour avoir un genre d’examen de conscience étant donné que nous vivons le tout de l’intérieur.

Maintenant, vous offrez la version de Tales from the Thousand Lakes, en concert. J’ai le sentiment qu’il était nécessaire d’offrir cette version avec Tomi Joutsen au chant. C’est une version en concert et non pas un réenregistrement. Vous avez utilisé le temps dont vous disposiez pendant la COVID pour faire cet enregistrement. Alors, que peux-tu nous dire face à ce processus ?

C’était une situation bizarre parce que nous ne savions pas ce qui allait se passer avec tout ce qui entourait cette situation planétaire. Ce n’était qu’au début de la pandémie de COVID et nous étions supposés tourner en Amérique du Nord pour célébrer Tales from the Thousand Lakes. À l’époque, cette tournée proposait aussi Entombed AD et Nervosa. Malheureusement, cela ne s’est pas produit parce que toutes les tournées ont été annulées. Le monde s’est fermé. Nous ne pouvions pas le faire par la suite parce que LG Petrov est malheureusement décédé et Entombed AD ne pouvait pas partir en tournée sans LG. Puisque nous avions répété ces chansons pendant des jours, il fallait faire quelque chose quand même. Nous avons décidé de mettre l’épaule à la roue et nous avons loué le Tavastia Club à Helsinki. Nous avons en quelque sorte enregistré des albums studio mais en mode « live » pour Queen of Time et Tales from the Thousand Lakes. Queen of Time était encore tout frais dans nos têtes et les célébrations pour Tales devaient avoir lieu, pas question de gaspiller tout ça. Nous fêtions notre 30e anniversaire en tant que groupe à l’époque, donc c’était une occasion parfaite de le faire. Une sorte de clin d’œil à l’ancien temps, de montrer une certaine appréciation de nos racines et de notre histoire. C’est pourquoi nous avons choisi de reproduire les deux albums. C’est donc l’histoire derrière tout ça. Tout ça se voulait spontané et bien pratique parce que nous n’avions pas grand-chose à faire à l’époque ! Nous avons fait trois spectacles de type « anniversaire » à Tavastia. C’était avec le public et nous avions proposé des portions qui représentaient des décennies en relation avec le catalogue d’Amorphis. Nous avons joué un ensemble de chansons des années 90, des années 2000, des années 2010 et la suite du catalogue. Après cela, nous avons décidé de faire vivre une sorte d’expérience aux deux albums que sont Queen of Time et Tales From the Thousand Lakes.  Nous voulions les interpréter comme si nous en étions en studio mais avec une captation en direct.

Sur cette version en concert de Tales, vous avez décidé de jouer deux autres chansons pendant ce concert. Vous avez ajouté My Kantele de l’album Elegy et aussi Vulgar Necrolatry de l’époque où Tomi Koivusaari était avec Abhorance. Alors, pourquoi ces deux chansons, spécifiquement ?

My Kantele une chanson que nous apprécions et ce, depuis longtemps. Elle se veut complète et montre bien l’étendu de ce qu’Amorphis peut proposer. Pour ce qui est de Vulgar Necrolatry, c’est une chanson qui a toujours été importante pour nous. À l’époque, Relapse Records aimait beaucoup le son d’Abhorrance, qui était le groupe de Tomi, comme tu le disais. Lorsque Relapse a appris qu’Abhorrance n’existait plus, c’est à ce moment qu’ils ont voulu signer Amorphis. Mais nous avons aussi joué cette chanson avec Amorphis, dans les premiers balbutiements du groupe et elle est également incluse dans le premier album, The Karelian Isthmus. Donc, c’est un peu aussi pour faire honneur à notre passé, aux origines d’Amorphis. D’où venons-nous en tant que groupe, quelles étaient nos racines ? C’est ce que nous voulions proposer. C’est donc la raison de ces deux chansons.

Dans l’enregistrement de cet album, le son est pur. Il a été enregistré avec ce qui est probablement une compagnie qui œuvre dans le domaine de la télévision ou un studio qui propose une expertise de haute qualité. Tout a été enregistré dans une salle nommée Tavastia Club. Alors, que pourriez-vous nous dire sur la qualité des enregistrements et du Tavastia Club ? Parce que pour nous au Québec, nous ne connaissons pas cet endroit.

Cette salle de spectacle est une salle plus, classique. Quand vous formez un groupe en Finlande, c’est l’endroit où tout le monde veut jouer un jour. C’est ce que les jeunes groupes visent, c’est l’objectif. Aujourd’hui, c’est un peu trop petit pour Amorphis, mais le Tavastia demeure une salle où la sonorité est plutôt exquise. Pour ce genre d’enregistrement, il répondait vraiment à nos besoins. Comme je te le disais, cette salle offre une sonorité intéressante parce que tout est essentiellement fait en bois à l’intérieur et la salle est équipée d’un système de son de haute qualité. Je pense que nous avons joué là-bas pour la première fois, en 1992. Nous n’étions qu’un tout petit groupe et nous étions vraiment nerveux de jouer là-bas parce que tous les gros groupes que nous aimions y avaient joué, d’autres formations finlandaises aussi. C’était comme un endroit magique pour jouer car nous allions voir des concerts au Tavastia, lorsque nous étions jeunes. C’était donc un choix évident pour nous de jouer là-bas et d’y faire les enregistrements pour Queen of Time et Tales. Le Tavastia possède cette réputation musicale, ce souci de qualité. C’est une salle incontournable, mythique presque, dans le centre d’Helsinki. Je n’ai pas été au Tavastia depuis un bon bout de temps, peut-être probablement depuis quatre ans lorsque nous avons fait les enregistrements. Chaque fois qu’il y a un bon spectacle, il faut s’y rendre.

Maintenant, pour Amorphis, lorsque vous jouez à Helsinki, vous jouez à l’intérieur d’un aréna de hockey ?

Il y a divers endroits où nous jouons. C’est généralement une salle de grande envergure ou un aréna, effectivement. Il y a aussi les maisons de la culture qui ont un statut grandiose ou légendaire, chez-nous. Ce sont des endroits haut de gamme, des lieux où tous les grands groupes comme Iron Maiden, Metallica, Warlock ou Motley Crue ont joué pendant les années 80. Nous allions toujours là-bas, regardions les groupes en ne sachant pas qu’un jour, ce serait à notre tour de remplir cette place. Nous jouons dans ce genre d’endroits de nos jours, ce qui est une grande bénédiction pour le groupe. Je pense qu’Helsinki manque de bonnes salles pour notre genre de groupe. Ce que je veux dire c’est qu’il manque de salles de calibre intermédiaire. Peut-être que certaines maisons de la culture sont assez spacieuses, nous y avons joué en décembre dernier pour la tournée de Halo et je pense que nous y jouerons également cette année. Quoique c’est un peu petit maintenant pour Amorphis. Les maisons de la culture ont une capacité pour 2000 personnes et la dernière fois, c’était plein à craquer. Je pense qu’ils ont déjà vendu des billets supplémentaires. Par contre, je ne sais pas où tous ces gens vont pouvoir se placer !

Cet album est votre premier pour ce nouveau label du nom de Reigning Phoenix Music. Nous avons le sentiment que cette nouvelle étiquette a le vent dans les voiles. Ils ramassent des artistes comme Kerry King, Amorphis, Deicide, Helloween, Opeth et plus encore. Que pourriez-vous nous dire à propos de vos nouveaux patrons ?

Ce sont essentiellement de vieux amis parce que Reigning Phoenix Music a été créé par Gerardo Martinez, un des fondateurs de Nuclear Blast. Le label Nuclear Blast a été vendu… C’est une histoire qui contient plusieurs versions… C’est mélangeant… Le fondateur original de Nuclear Blast a vendu le label pour ensuite en former un nouveau du nom d’Atomic Fire. Il a gardé tout le catalogue, en plus de garder les groupes qu’il désirait avoir pour la suite des choses, comme Amorphis, Helloween et Opeth. Mais ensuite, le label a été vendu à nouveau ! Atomic Fire a un nouveau propriétaire qui est Reigning Phoenix Music et ce sont essentiellement les mêmes bonnes vieilles personnes qui travaillaient déjà avec Nuclear Blast qui sont impliqués avec ce projet qu’est Reigning Phoenix Music. Le nom a changé, ce n’est que ça. C’est l’un des plus grands labels de metal, en ce moment, dans le monde. Les membres de l’équipe chez Reigning Phoenix savent vraiment ce qu’ils font au niveau de la business du metal et c’est bien de travailler avec des gens qui nous sont familiers. C’est donc une très bonne situation pour Amorphis. Pour nous, c’est une excellente étiquette de disque avec qui nous sommes fiers de travailler.

Je parlais avec un gars d’un groupe qui était avec Nuclear Blast, encore récemment. Il me disait que le label se débarrasse de certains de leurs groupes, qu’ils font le ménage. Y a-t-il un vent de changement avec eux ? Ils veulent être plus dans le mainstream ?

Difficile à dire. C’est une sorte de façon de faire. Le marché du metal a changé avec les années. Ce ne sont pas les meilleures opportunités pour de nombreux groupes. Comment en arriver à la meilleure façon de travailler, actuellement ? Donc, je ne sais pas si cela a quelque chose à voir avec cela ou s’il s’agissait simplement de changer leur vision globale face au marché du metal ? C’est difficile de dire ce qui se passe chez Nuclear Blast. Il y a encore d’excellents groupes chez Nuclear Blast. Cette étiquette a une excellente réputation. C’est un label de grande envergure qui a un passé monumental. Je leur souhaite donc bonne chance mais c’est assez difficile pour moi de commenter. Que se passe-t-il ? Je ne le sais pas vraiment.

Ouais. Peut-être qu’ils ont besoin de plus de place sur la liste de paie pour combler les besoins de leur dernière signature, Marilyn Manson ?

Hum… Oui, c’est possible. Cela pourrait en être la raison, qui sait !?

Prochaine tournée en Amérique, vous serez une fois de plus avec Dark Tranquillity. Selon l’affiche, ce sera une visite pour Halo et non une visite pour célébrer Tales from the Thousand Lakes, comme vous étiez censés le faire en 2020. Ce sera donc une tournée Halo ?

Ça va être une tournée pour Halo, effectivement. Nous allons jouer de vieux trucs aussi, comme de raison mais nous sommes toujours au milieu d’un cycle de tournée pour Halo, donc nous sommes encore en mode promotion de cet album. Nous avons déjà fait une tournée nord-américaine pour Halo, mais c’était une mauvaise période pour les concerts à ce moment-là parce que c’était juste à la fin de la COVID. C’est que nous voulons juste donner à cet album un autre petit coup avec cette tournée. Nous n’allons pas jouer les mêmes chansons que nous avons faites la dernière fois, c’est certain.

De plus, lors de cette visite à Montréal, vous avez eu une panne de courant, juste avant l’ouverture des portes. Le concert a été retardé de quelques heures.

Hum… Je ne m’en souviens pas. Ceci est tellement dérangeant car nous n’avons aucun pouvoir là-dessus ! Nous avons eu le même genre de problème à Helsinki. Expérience similaire mais nous passerions notre tour, c’est évident !

Après cette tournée nord-américaine, retournez-vous à la salle de répétition pour écrire de nouvelles chansons ? Ou peut-être allez-vous directement dans le studio ?

Nous prévoyons aller au studio, c’est certain. Je pense que la plupart des chansons sont écrites pour le prochain album. Nous entrons en studio avec de nouvelles chansons et une sortie pour l’automne 2025. Dans un premier temps, nous allons faire une préproduction car c’est ce que nous faisons généralement et nous allons jouer quelques spectacles en Finlande. Juste pour le plaisir ! Nous allons nous concentrer sur l’enregistrement de l’album. Je pense que nous devons livrer le master de l’album en mars 2025. Alors oui, nous devons être très rapides avec l’enregistrement de l’album, après cette tournée. Donc, ça va être vraiment mouvementé pour Amorphis et ce, jusqu’en février prochain. Mais ensuite, nous aurons une légère pause de la tournée, et elle se poursuivra quelque part à l’automne 2025 pour promouvoir le prochain album.

C’est bien ! Excellente nouvelle !  Et j’ai une dernière question pour toi. En 2018, nous avons fait une entrevue à l’extérieur du Théâtre Corona à Montréal. J’y étais avec ma femme et tu y étais aussi avec Tomi Joutsen. Je vous avais apporté des bières de nos microbrasseries locales en plus de la bière de Megadeth.

Oh ! C’était toi ? Oui, je m’en souviens ! Je me souviens toujours des gens qui nous offrent de la bière ! Hahahhah ! Je ne me souviens pas si toutes les bières étaient à mon goût mais quand même ! Hahhaha ! Je m’en souviens bien sûr, parce que j’apprécie toujours la bière artisanale !

Mais quand nous avons terminé l’entrevue, j’en avais une avec Mikael Stanne de Dark Tranquility. Toi et Tomi, vous êtes restés dans le stationnement à faire de la boxe ! Vous aviez des gants et tout le kit !  Est-ce toujours quelque chose que vous faites pendant la tournée, question de rester en forme ?

Oui, nous faisons encore ce genre de sports. Des choses différentes, pour se garder en forme, justement. Nous faisons de la boxe, puis nous faisons des exercices de réchauffement et nous faisons du vélo. Nous transportons généralement des vélos avec nous en tournée. Nous avons des vélos pliants et puis nous nous promenons beaucoup dans les villes, chaque fois que nous avons du temps. En vélo ou en marchant. Nous nous promenons dans les villes et allons dans les magasins, les boutiques de disques et ceux de guitares ! Nous essayons de rester actifs en tournée. Très souvent, je suis en meilleure forme après la tournée comparativement à lorsque nous sommes entrés dans la tournée !

Justement, vous ne voulez pas avoir une bedaine de bière!

Hahhaha ! Effectivement. Mais il faut faire de l’exercice et adopter un style de vie sain en tournée, et dans la vie en général. Mais tu sais, je prends une bière à l’occasion… ou même 6 ! Hahhaha ! Avant, j’avais l’habitude de boire beaucoup de bière, mais j’ai grandement diminué.

Oppu, merci beaucoup !

Un grand plaisir Yanick. On se voit au Québec !

www.amorphis.net

Photo : Jaakko Manninen