Alluvial est une formation qui donne dans un death metal plutôt atmosphérique. C’est en écoutant leur nouvel album (le second et qui ne se veut pas instrumental comme le premier) que l’on comprend d’où provient toute l’opacité sonore. Avec des membres qui se sont usés les doigts avec The Faceless et Aegaeon en plus d’un gueuleur qui s’est éraillé les cordes vocales avec Suffocation, on se rend compte qu’un certain équilibre est offert avec Sarcoma, un album qui offre une lucidité death métallique. Entretien avec Kevin Muller (dernier sur la photo), chanteur du groupe.
Salut Kevin. Je te dirais que pour de nombreuses personnes, Alluvial demeure un tout nouveau groupe. Est-ce que tu peux nous dresser un portrait face au groupe, surtout que le groupe ait débuté comme étant une formation instrumentale en 2017.
En gros, je te dirais qu’effectivement, Alluvial a débuté comme étant une formation instrumentale mais il était convenu qu’un chanteur était dans les plans. C’est juste que le timing et la façon à laquelle les choses se sont déroulées, tout ça fait que ça ne pouvait pas se concrétiser. Il y a eu des changements au sein du groupe. De plus, il y a la vie normale et typique des gens qui se déroule. Tout ça offre des retards face au fait de monter un groupe. Wes Hauch (guitariste d’Alluvial) a décidé de donner un dernier coup de défibrillateur à Alluvial. Il m’a contacté et il a fait la même chose pour le bassiste Tim Walker et le batteur Matt Paulazzo. C’est comme cela que Alluvial a connu son deuxième souffle.
Quand j’ai vu que tu étais dans ce groupe, je me disais qu’Alluvial devait être une formation typique de death metal, genre conventionnel. C’est beaucoup plus atmosphérique et ancré dans la progression. As-tu été surpris lorsqu’on t’a demandé de te joindre à Alluvial?
Au début, lorsque Wes m’a contacté pour voir si je pouvais être intéressé, je n’étais pas… Pour être honnête, je ne le connaissais pas vraiment, je ne connaissais pas son style aussi. Je me souviens que j’avais un emploi merdique, rien de très motivant. Je regardais mes messages Facebook et j’ai vu celui de Wes qui me disait qu’il aimait bien mon travail avec Suffocation, des trucs du genre. Il m’a fait parvenir l’album The Deep Longing for Annihilation, juste pour que je puisse l’écouter. Je lui ai dit que j’allais me rendre dans ma salle de bain pour écouter l’album avec mes AirPods, juste pour avoir le feeling de l’album. Ma première impression a été : « Ah non, pas un autre album de technicité metal!». J’étais pratiquement prêt à lui réécrire pour lui dire que je n’étais peut-être pas le bon gars pour son groupe. J’ai continué mon écoute et je suis tombé sur un gros morceau croustillant, avec des bouts où j’aurais pu me laisser aller la tête avec vigueur. J’en ai écouté une autre, puis une autre… jusqu’à ce que je me rende compte que je venais de passer un très long moment dans la salle de bain à écouter cet album et que là, j’étais totalement accroché. Donc, oui, j’étais surpris et très étonné. Je me suis mis à parler avec Wes de plus en plus et nous avons échangé des idées. Je savais que le tout allait fonctionner avec lui.
Le nom du groupe, maintenant. Alluvial n’a rien du nom typique death metal. Ce n’est pas un truc horrifique ou rempli d’hémoglobine. Wes est probablement le responsable face au choix d’Alluvial mais que peux-tu nous dire au sujet de ce choix de nom plutôt pacifique?
Quand je me suis joint au groupe, je lui ai demandé environ la même question. Je lui faisais remarquer que c’était très songé et très réfléchi. Il m’a juste dit que ce nom sonnait très metal. Et tu sais quoi? Je suis assez d’accord! C’est fucking metal!
Lorsque nous écoutons l’album, nous pouvons entendre des moments très ambiants, soyeux et apaisants. Mais pas dans un cadre quétaine. Mais, le plus important, nous retrouvons de nombreux éléments d’une certaine brutalité. Je crois que vous avez trouvé la balance parfaite entre les deux éléments, surtout sur des titres comme Ulysses, 40 Stories et Sleepers Become Giants. Le mot « balance » est le terme parfait pour la sonorité d’Alluvial.
Oui, « balance » est le terme adéquat. Honnêtement, je crois avoir trouvé le groupe parfait parce que je ne me sens pas avec une autre formation étiquetée comme étant une autre formation « progressive » ou de style « moderne ». Nous ne faisons que démontrer ce que nous aimons en tant que musiciens avec ce groupe. Je viens de l’environnement plus brutal du death metal, avec un profil hardcore. Et nous n’avons rien à cacher et nous n’avons eu aucune retenue sur cet album. J’ai déjà hâte de démontrer la suite sur le prochain album.
Cette pièce instrumentale du nom de « Zero » ou « Ø ». C’est comme une façon de couper l’album en deux portions distinctes. Comment a-t-elle été construite? J’ai comme l’impression d’entendre quelqu’un s’étouffer.
C’est plus comme un souffle d’anxiété, un halètement. Nous voulions créer une ligne directrice, une ambiance, qui se voulait le parfait fil conducteur pour Exponent, la pièce suivante. Nous voulions exprimer la véritable crainte que les gens peuvent vivre, dans le contexte des paroles. La pièce Exponent est au sujet de l’intelligence artificielle qui nous connaît sous toutes nos coutures et qui sait que la véritable solution est de nous exterminer et de se débarrasser de la race humaine. Ce que vous entendez, c’est cette intelligence artificielle qui s’en vient, juste pour nous. Effectivement, c’est une approche plus science-fiction mais la réalité imposée par cette chanson se rapproche vraiment de notre réalité quotidienne avec toutes les publicités que je reçois sur mon compte Instagram parce qu’une intelligence artificielle analyse tout ce que je fais et dis. Ça, c’est creepy, hahhaha!
Comment était-ce de travailler sur l’album Sarcoma lors de cette période pandémique?
Honnêtement, c’était bien. La pandémie a affecté tellement de gens, tellement de groupes, de façon négative. Pour ce qui est d’écrire et enregistrer, c’était parfait. Cela nous a donné du temps pour s’asseoir, de travailler encore plus fort et de s’assurer que nous étions capables de capter la sonorité parfaite pour cet album. De plus, d’avoir eu l’opportunité de pouvoir prendre cela relax chez Wes, de manger convenablement car c‘est tout un chef, j’avais l’impression de passer les vacances dont j’avais, justement, besoin.
Quand nous regardons la pochette, certains peuvent se dire : « Oh oui! Un bélier! Ce sera satanique! J’aime ça!” Mais ce n’est pas le cas. Que peux-tu nous dire face à la couverture de l’album, étant donné que Sarcoma n’est pas un mot décrivant un rite satanique mais plutôt un terme en relation avec le cancer?
Je crois qu’avec nous, vous ne verrez pas les trucs classiques de sang, diable et entrailles dégoulinantes. Pour nous, le bélier est plutôt une figure qui représente la force. Le mot Sarcoma (NDLR : le mot français est sarcome) représente un cancer qui s’étend de manière où il est, incontrôlable. Il y aussi des cancers qui se veulent figuratifs, dans chacune de nos vies. Ils se propagent et finissent par prendre des vies, d’une autre façon. J’aime bien avoir Sarcoma comme nom pour cet album car chaque nom de chanson représente une sorte de problème, que ce soit au sujet de la dépression, d’une perte, la trahison, abus de substances, un traumatisme. Je vais tous te les résumer ainsi en te disant que ce sont des « cancers ». Chaque membre du groupe est passé au travers une série de problèmes, mais chacun s’en est sorti. Maintenant, nous sommes prêts à tout détruire.
Nuclear Blast est le label parfait pour un groupe comme Alluvial. Généralement, des groupes comme le tien partent en tournée avec une couple d’autres formations pour créer des packages qui se promènent de ville en ville, se ramassent sur le Summer Slaughter mais avec la situation présente, quels sont vos plans pour promouvoir cet album?
Il y a des pourparlers pour des tournées en cette fin d’année. On se garde les doigts croisés, nous espérons que cela puisse arriver. Nous avons des trucs en planification mais vous allez en entendre parler en temps voulu. Jusqu’à ce que le tout retrouve une certaine normalité, nous lançons des simples, il y aura le lancement, des vidéos de performances de chaque musicien, des entrevues comme celle-ci, des podcasts. Nous essayons de rejoindre le plus grand nombre de personnes possible avec cet album en utilisant toutes les ressources mises à notre disposition.
Je t’ai vu à Montréal lors des derniers concerts de Frank Mullen avec Suffocation.
Aux Foufounes?
Oui.
J’aime vraiment cette place!
Tu partageais la scène avec lui, tu as fait de la tournée avec le groupe, tu as chanté quelques lignes sur le dernier album et ensuite, plus rien. Donc, quel a été ton rôle avec Suffocation?
J’ai été un membre à temps plein. J’ai eu la passation du flambeau par Frank. Rendu à cette période, il était vraiment rendu à prendre du temps pour lui et de penser à sa retraite de la scène. J’ai fait quelques tournées avec Suffocation sur une période de temps qui s’étend de 2015 à 2017. Nous présentions l’album …Of The Dark Light comme étant mon introduction, comme une première carte de visite pour les amateurs du groupe car j’accompagne Frank sur pratiquement toutes les pièces de l’album. C’était bien amusant de voir que certaines personnes n’étaient pas capables de différencier ma voix de celle de Frank! Sauf que plus nous étions en tournée, plus je me rendais compte que nous ne partagions pas la même vision face au futur. J’ai donc décidé de quitter le groupe. J’aime encore les gars de Suffocation, je les respecte et je leur souhaite tout le succès qu’ils méritent.
Étant donné qu’Alluvial est d’Atlanta, est-ce que votre local de répétition est dans l’édifice qui appartient aux membres de Mastodon?
Moi, je ne suis pas d’Atlanta. Je suis né et j’ai été élevé à Long Island, New York. La maison-mère d’Alluvial est à Atlanta car Wes y habite depuis qu’il a quitté la Californie, il y a de cela quelques années. C’est là que nous y retrouvons nos quartiers généraux. Nous n’avons pas un local loué pour le moment. Tout se déroule chez Wes.
Et pour finir, est-ce que tu crois fortement que vous serez sur la route d’ici la fin de 2021 ou plus logiquement, en 2022?
Oh boy! Je le souhaite fortement. Gardez l’œil très près de nos pages de réseaux sociaux lors des prochaines semaines, très près de la sortie de Sarcoma. On ne sait jamais ce qui pourrait être annoncé!
L’album Sarcoma d’Alluvial sera lancé le 28 mai sur Nuclear Blast Records.
www.facebook.com/alluvialmetal/
Photo : Aaron Marsh