Quand un entretien avec Amon Amarth m’a été présenté, j’ai tout de suite accepté. J’adore faire des entrevues mais je déteste les traduire! Demandez à tous ceux qui en font (ou plutôt « en faisaient » car c’est de plus en plus rare les webzines qui en proposent) et c’est à ce moment que le tout traîne. Par contre, quand tu sais que ton entretien sera avec Ted Lundström, bassiste chez cette horde de guerriers, tu acceptes rapidement car tu sais que ce sera intéressant. Malheureusement, notre rendez-vous n’a jamais eu lieu, c’est pourquoi je me suis retrouvé avec Olavi Mikkonen (premier sur la photo du haut), guitariste du groupe. Lui aussi est un être intéressant avec qui jaser et discuter. Dès qu’il sent que tu connais ton affaire, le temps ne compte plus pour lui car généralement, Metal Blade accorde 20 minutes, mais j’ai eu droit à 30. Olavi nous parle du nouvel album, The Great Heathen Army, de la tournée qui s’en vient et… de chèvre!
Bonjour Olavi. Un nouvel album du nom de The Great Heathen Army et une nouvelle tournée avec Cattle Decapitation, Obituary et Carcass. Dave Mustaine a nommé sa tournée Metal Tour of the Year, je crois que ce sera la vôtre la Metal Tour of the Year!
Hahhhaha! Merci!
Je vais y aller avec ma première question, qui est au sujet de la couverture de l’album. C’est bien la première fois que nous retrouvons le groupe, sur la couverture. Au début, je croyais que c’était la pochette du simple mais non, c’est bel et bien la couverture. Qui a eu cette idée d’avoir le groupe complet, bien en évidence, sur The Great Heathen Army?
C’est une idée que nous avions en tête depuis quelques années. La première fois que nous avons eu cette idée d’avoir le groupe sur la couverture, c’était pour With Oden on our Side. C’est une idée bien plaisante. Nous nous sommes dits que nous ne nous étions jamais retrouvés sur une couverture de l’un de nos albums, pourquoi ne pas le faire pour celui-ci? Étant donné que cet album parle de la grande armée de païens, que pourrait-on avoir comme couverture? On pourrait avoir une armée gigantesque? Ensuite, nous avons l’idée de nous avoir, en tant que tel, au-devant de cette armée. Il ne faut pas que les gens prennent cela trop sérieusement. Nous voulions essayer un truc vraiment différent. Nous avons grandi avec KISS et Manowar. Ils sortaient des albums où nous pouvions souvent les voir sur les couvertures. Nous nous sommes dits : « Allons-y, c’est le temps de le faire! »
Lorsque j’ai reçu ma copie promotionnelle, je me suis mis à regarder les titres des chansons. J’ai vu Saxon and Vikings. Je me suis tout de suite dit qu’il serait bien intéressant d’avoir Biff Byford de Saxon sur celle-ci. Et en l’écoutant, BANG! Il est là! C’était le choix évident d’y aller avec lui?
Oui, définitivement. J’ai eu cette idée la première fois que nous avons enregistré avec Andy Sneap, à l’époque de Deceiver of the Gods. Nous prenions une pause entre les sessions d’enregistrement, au pub. Andy parlait de Saxon, car il venait de terminer un album avec eux. Je lui ai dit que nous devrions faire une chanson qui parlerait des Saxons et des Vikings en plus d’y avoir des gars de Saxon comme invités, sur cette pièce. Pour une raison qui m’échappe, ce n’est jamais arrivé! L’idée est restée, par contre. Cette fois-ci, pour ce nouvel album, c’était le bon moment car les gars de Saxon habitent près du studio d’Andy. Musicalement, j’avais quelques idées en tête, des idées qui semblaient bonnes pour une chanson sur ce sujet de la bataille des Saxons contre les Vikings qui allaient inclure la voix de Johan et celle de Biff. J’ai pris mes idées, je les ai réunies pour envoyer le tout à Biff. Je lui ai demandé s’il était intéressé, tout d’abord. Il a répondu qu’il aimait les idées envoyées et qu’il était partant de le faire. Ensuite, nous l’avons fait!
Est-ce que Biff était légèrement hésitant, étant donné qu’au niveau historique, la grande armée païenne a botté le cul des Saxons?
Hahhaha, non! Pas du tout! Pour nous, c’était bien important de ne pas avoir une chanson qui parlait, justement, du fait que les Vikings ont botté le derrière des Saxons! Nous voulions plutôt un truc qui dressait un portrait global de la bataille. Personne ne gagne dans notre version, tout est égal. Les parties chantées par Biff sont équivalentes de celles chantées par Johan. Nous avons aussi Doug Scarratt et Paul Quinn qui font les solos sur la chanson. C’est une collaboration, personne n’est plus fort que l’autre camp.
Monsieur Séguin et sa bête
La chanson Heidrun, c’est comme une chanson blues qui se transforme en chanson à boire. L’histoire derrière Heidrun, c’est celle d’une chèvre qui grignotait certains fruits et quand on trayait cette chèvre, cela donnait de l’hydromel pour les guerriers vikings. Est-ce pour cela que nous avons l’impression que c’est une chanson à boire, dans la même lignée que Raise Your Horn?
Oui. Et c’est Ted Lundström, notre bassiste, qui est arrivé avec le fait que nous n’avions jamais fait de chanson sur Heidrun. C’est un personnage très intéressant dans la mythologie viking. C’est cette chèvre qui fournit l’hydromel à tous les guerriers tombés au combat, au Walhalla. À tous les soirs, tous les guerriers boivent de l’hydromel, c’est une idée géniale! Nous devions absolument faire une chanson à ce sujet. À la base, le fait de boire est au centre de la chanson donc oui, c’est une chanson à boire. Je suis content de voir que tu as senti le blues dans cette chanson. Mon idée de base, c’était d’y aller avec un truc à la Status Quo, quelque chose très boogie woogie! J’ai écrit le riff, et c’était cela. D’autres personnes ne me parlent que du côté folk dans la chanson, tout ça parce qu’après le second refrain, nous retrouvons du violon dans la mélodie. C’était la première fois que nous utilisions du violon dans l’une de nos chansons. Pour moi, il n’y a rien de très folk là-dedans, c’est plutôt blues et boogie death metal! C’est une chanson agréable, très amusante. Et fais-moi confiance, nous avons vraiment eu du plaisir à faire cette pièce!
Je te crois, car c’est vraiment une chanson décontractée. L’autre jour, je jouais au hockey avec mon garçon, dehors. L’album jouait en guise de musique de fond. À un moment donné, j’ai demandé à mon fils : Pourquoi imites-tu une chèvre? Il m’a dit que ce n’était pas lui. Je suis retourné à mon téléphone, qui faisait jouer l’album. J’ai reculé la pièce Heidrun et je l’ai écoutée, attentivement. C’est dans la chanson que nous entendons la chèvre! Avez-vous amené une vraie chèvre en studio?
Hahhahha! Non!
Vous auriez pu être poursuivi par la SPA!
Nous voulions et devions avoir le son d’une chèvre sur la chanson, car la chanson parle d’une chèvre! Le studio d’Andy est situé, sur une ferme, c’est ce qui est amusant en plus. Et il y avait des chèvres, sur la ferme. C’est très difficile d’aller devant une chèvre, avec un micro pour l’enregistrer. Nous avons donc choisi le chemin le plus facile. Nous avons acheté le son d’une chèvre qui provient d’une banque de sons. Aussi simple que ça. Hahhahha!
Ma chanson préférée sur l’album, du moins pour le moment, est Find a Way or Make Another. Elle a un esprit de la vieille école, un peu comme du Accept. Que peux-tu me dire à son sujet?
Je suis d’accord avec toi. Quand je l’ai écrite, je savais que je m’en allais vers un truc heavy metal, près des racines du genre. C’est ce qu’elle m’inspirait et je ne vais pas le nier. Accept a eu une influence phénoménale sur moi en tant que guitariste et ce, depuis toujours. J’aime la façon que Wolf Hoffmann, le guitariste d’Accept, construit ses riffs. Je n’avais pas vraiment Accept en tête, quand j’écrivais cette chanson, c’est juste en moi, maintenant. Je la voyais plus comme du AC/DC, un truc du genre. Pas dans le sens qu’elle sonne AC/DC, c’est du Amon Amarth, c’est certain. C’est une chanson plutôt cool et les paroles sont géniales. Elles sont en relation avec le fait de trouver ta force intérieure, pour te sortir du pétrin. Oui, la thématique viking est encore respectée mais les paroles peuvent se greffer à notre vie de tous les jours. Surtout après la période pandémique que nous venons de passer ou la guerre en Ukraine.
Quand vous avez lancé la chanson Get in the Ring, je lisais des commentaires sur les réseaux sociaux qui disaient, grosso modo, que cette chanson ne devrait pas se retrouver sur l’album, qu’elle est hors du contexte habituel viking et qu’elle devrait être une chanson en bonus pour une édition quelconque. Que penses-tu de la réaction globale des amateurs?
Ce genre de commentaires… Comment je te dirais cela. Ils ne s’attardent qu’aux petits détails. Si tu prends le temps de lire les paroles, tu te rends compte que c’est au sujet du holmgang. Le holmgang était un duel, une manière de régler les conflits à l’époque des Vikings. Si tu as déjà joué à Assassin’s Creed Valhalla, tu sais de quoi nous parlons car le holmgang est illustré dans le jeu. À un moment donné, tu dois affronter quelqu’un, c’est un combat comme, dans les westerns américains. L’un des deux combattants va survivre, l’autre va mourir. Celui qui gagne remporte tout ce que celui qui est décédé, possédait. Les objets autant que sa famille. Get in the Ring, ce n’est pas un ring de lutte en tant que tel, ce serait plutôt le cercle (ndlr : traduction libre de RING = CERCLE) qui est dessiné au sol, à l’aide d’un objet comme une épée. Tu devais rester dans ce cercle et combattre. C’est certain que lorsque certains ont vu que la chanson serait utilisée par le lutteur professionnel Erik Rowan, ils ont fait le lien et ils ont cru que c’était une chanson qui parlait de la lutte. Rowan nous a demandé de lui faire sa nouvelle chanson d’entrée sur le ring, ce qui fait que nous devions inclure des éléments de lutte mais c’est surtout le holmgang qui ressort, tout est comme en parallèle. C’est probablement plus le clip qui a dérouté le public avec cette vision un peu Mad Max vs Viking, avec Rowan, en plus. Certains prennent les choses trop au sérieux, nous voulions avoir du plaisir et faire un truc un peu différent pour ce clip.
Un chum, c’t’un chum!
En recevant la copie promotionnelle de l’album, j’ai eu accès à toutes vos photos de groupe pour l’album. Elles sont très sérieuses, vous êtes en ligne, Johan est au centre ou vous êtes en position triangulaire, toujours avec un look sérieux, avec ou sans lunettes de soleil. Sauf qu’il y en a une où vous êtes plus décontractés. Vous êtes sur un sofa et je remarque que Ted a son bras autour du cou de Jocke Wallgren, votre « nouveau » batteur. Je me suis dit : « Ah, là je sens que Jocke est vraiment un membre à part entière du groupe, non pas juste un musicien-employé. » Donc, il est officiellement l’élu?
Oh oui! C’est un membre officiel d’Amon Amarth. C’est vraiment important que tout le monde sache que lorsque nous avons fait le changement de batteur, c’était avec quelqu’un qui allait devenir un membre du groupe, non pas un musicien de studio ou de route. Nous avons toujours voulu qu’il se sente accepté et bienvenu, partout. Nous voulons qu’il soit au courant des décisions et nous voulons avoir ses idées, son point de vue au niveau du groupe. Amon Amarth est une démocratie. Nous votons pour prendre certaines décisions. Et tu sais, lorsque vient le temps de voter, si vous n’êtes que 4, le tout peut se terminer 2 à 2! Sauf qu’à 5, il n’y a jamais d’égalité! Hahhahha! De plus en plus, Jocke connait et comprend son rôle dans le groupe. Sur Berserker, il était en apprentissage, il ne savait pas trop encore comment le groupe fonctionnait. Cette fois-ci, il a foncé dans le projet et il s’est impliqué grandement. Sa confiance en lui était bien présente et il a fait un excellent boulot.
Est-ce que cela a été difficile de trouver un trou dans l’horaire de votre producteur Andy Sneap? À moins que tout ait été fait pendant la période de COVID?
Nous avons été chanceux. La première fois que nous lui en avons parlé, il nous a dit qu’il pouvait le faire. Quelques semaines plus tard, il nous est revenu en disant qu’il ne pouvait pas faire l’album, en fin de compte. Il avait des trucs planifiés avec Judas Priest. Donc, nous devions y aller avec l’option B, ce qui veut dire que nous avions en tête de faire l’album aux États-Unis, comme pour Berserker. Par contre, on nous a refusé de nouveaux visas de travail, à cause de la pandémie. La même journée où nous avons essuyé le refus face à nos visas, Judas Priest annonçait que le reste de leur tournée était annulée. Richie Faulkner a eu des problèmes cardiaques, le groupe retournait donc chez lui. Avec cette nouvelle, le timing se voulait parfait. La tournée était annulée et Andy n’avait rien à son horaire. Je ne suis pas en train de dire que nous nous sommes réjouis de cet évènement malheureux, au contraire. Andy est un homme excessivement occupé et de pouvoir l’avoir, c’est une occasion sur laquelle tu dois sauter!
J’ai regardé un documentaire sur la musique pop suédoise, l’autre jour. Il y avait des entretiens avec ABBA, Ace of Base. On parlait de Deniz PoP et Max Martin. Ils ont tous dit un mot : JANTELAGEN. C’est à ce moment que j’ai compris quelque chose. Ce terme veut dire que généralement, les Suédois, vous n’aimez pas parler de vos talents. Vous préférez les montrer. Ceci nous donne l’impression que vous êtres des gens froids en personne ou en entrevue. Par exemple, quand tu parles à tel membre d’un groupe suédois en disant que le dernier album est excellent, que les concerts sont grandioses et que le groupe est le prochain Maiden, cela reste de glace. Est-ce que le JANTELAGEN est présent aussi dans le metal?
C’est vraiment dans notre culture, je peux totalement m’identifier à cela. À la base, c’est plutôt difficile de parler de ton propre travail, sans avoir l’air prétentieux. Tu le sais dans ta tête que tu as produit un bon album, que tout va bien pour ton groupe et que tes concerts sont à la fine pointe mais tu ne veux pas en parler. Tu préfères le montrer et le prouver.
La dernière fois que vous êtes venus à Montréal, au M Telus. C’était plein à craquer et mon fils était avec moi. Il venait d’avoir 10 ans. Il a vu votre production, sur scène, et il m’avait dit : « C’est comme voir Iron Maiden mais avec des Vikings au lieu de Eddie! » Et je lui ai dit que la prochaine fois, Amon Amarth serait dans une plus grande salle. Et là, BANG! Vous faites la Place Bell, l’endroit où joue Megadeth ou Slayer. Vous êtes sur une grande lancée. Peut-être même vous retrouvez en tête d’affiche du Heavy Montréal 2023?
Je ne sais pas encore pour ce festival. Je suis juste content de pouvoir amener une production complète à Montréal. Le M Telus est une salle que nous adorons, la sonorité est excellente dans cette salle mais la scène est petite. En pouvant jouer dans des arénas, nous allons pouvoir déployer une production complète. Finalement, vous allez pouvoir avoir droit à la totale. La foule de Montréal, du Québec et du Canada en entier a toujours été réceptive pour nous.
À la mémoire des guerriers
Le moment où tout a tourné pour vous demeure lorsque vous avez ouvert pour Children of Bodom. Par la suite, votre popularité n’a cessé de grimper. Par la suite, vous êtes revenus en tant que tête d’affiche, amenant Entombed AD en tant que groupe en ouverture. Donc, pour finir, as-tu quelques mots à nous dire face à tes deux amis que tu as perdus, Alexi Laiho et Lars Goran Petrov?
Oui, bien sûr. Tu as bien décrit ce qui s’est passé avec Children of Bodom. Cette opportunité d’ouvrir pour eux a été le point tournant de notre entrée en Amérique. Aucun doute là-dessus. Je serai toujours reconnaissant du fait qu’ils nous aient pris avec eux, lors de cette tournée. Ils n’avaient pas à le faire mais ils l’ont fait. Children of Bodom était un excellent groupe. J’ai vraiment été attristé par le décès d’Alexi. Quand j’ai entendu la nouvelle face à son décès, j’étais dévasté, nous l’étions tous. C’était un guitariste hors pair et il avait encore énormément à offrir. Pour ce qui est de LG Petrov, ceci a été un choc. Je savais qu’il était malade, mais pas à ce point. On m’avait dit qu’il avait un cancer mais que ce n’était pas un cancer qui allait mettre sa vie en jeu, que la guérison était possible. C’était d’une tristesse. Sa mort m’a vraiment rentré dedans, pour être honnête avec toi. Mais c’est la vie. LG était tellement un bon gars, vraiment. Je me souviens encore de la dernière fois où je l’ai rencontré, c’était au concert de King Diamond, en août 2019. C’était le genre de personne que, même lorsqu’il quittait la discussion pour aller ailleurs, tu gardais un immense sourire. La façon qu’il a amené le style de vocal death metal aussi. Il est le premier chanteur du genre à avoir offert un côté audible car on pouvait comprendre les paroles, ce qui n’était pas le cas avant, c’était surtout un grognement. Deux lourdes pertes, vraiment.
Donc Olavi, merci pour ton temps. C’est très apprécié!
Merci bien, Yanick!
Pour précommander l’album, qui sera disponible dès le 5 août, en formats excessivement variés, vous cliquez ICI!
Et Amon Amarth sera à la Place Bell de Laval, le samedi 3 décembre, avec Carcass, Obituary et Cattle Decapitation. Les billets sont disponibles en cliquant ICI!
Photos: Tomas Giden