Je suis descendu à la station St-Laurent. J’avais envie de me promener dans la foule montréalaise, chose que je n’avais pas faite depuis tellement longtemps. En marchant sur la Rue Ste-Catherine, en mode piétonnière, je croise de nombreuses personnes. C’est la période des bals des finissants, de nombreux jeunes hommes portent le nœud papillon et la plupart des demoiselles ne semblent pas totalement à l’aise dans leur robe flamboyante. Il y a les Francos et une certaine fébrilité dans l’air est palpable car au bout de la rue, sur la scène principale, ce sont les préparations pour la St-Jean.
Je croise aussi des jeunes hommes qui entrent dans l’âge adulte. Ils arborent des t-shirts de Cattle Decapitation, d’Immolation et de NecroticGoreBeast. Est-ce que la présence de Soreption est responsable d’un public plus jeune car tout ce beau monde se dirige vraiment au Studio TD pour cette visite de Suffocation. Non, tu ne porterais pas cet attirail pour ton bal de finissants.
La quarantaine bien entamée est aussi présente car il faut se souvenir que Suffocation roule sa bosse depuis plus de 30 ans et malgré les nombreux changements au niveau de la formation, l’impact de cette troupe new yorkaise est toujours aussi palpable. Avec le départ de Frank Mullen, je me disais que l’intérêt allait s’amenuiser envers cette bête du death metal.
En voyant que le concert allait avoir lieu au Studio TD, au lieu des Foufs, je m’attendais à une salle à moitié vide. Ou à moitié pleine, le tout dépend de ta vision des choses.
Vers 19h50, je passe les tourniquets du Studio TD et il y a foule. Ce n’est pas compacté mais l’étage supérieur est ouvert, ce qui confirme que la vente de billets a été convenable. En entrant, je jase avec des connaissances, dont Julien qui me confirme qu’en fin de semaine, ça valait vraiment la peine de faire 5 heures de voiture pour aller aux USA pour le concert d’Exodus, Municipal Waste et Voïvod.
Un barbu sachant chanter
Les membres de Soreption sortent du derrière de la scène et s’installent, lentement. Quelques coups de basse et une série de mitrailles aux grosses caisses, ce sera de la technicité, c’est évident car en voyant le type d’instruments que tiennent les musiciens, en plus de la sonorité trigguée des percussions, ce sera croustillant comme performance.
Originaire de la Suède, il est rare d’entendre un groupe de death metal technique nous venant de cette portion de la Scandinavie. Soreption a lancé leur nouvel album Jord il y a deux semaines et le groupe doit le promouvoir. Avec un micro d’Elvis dans le fond de la main et une tête me rappelant Kirk Windstein, vers 1993, le chanteur Fredrik Söderberg mène la foule comme si son groupe était en tête d’affiche. Il est planté devant la scène et il a des ticks incontrôlables de la tête.
Aucunement, c’est que l’acidulé chanteur punche les mouvements des musiciens, ce qui le rend pratiquement mécanique, comme un T-1000 dysfonctionnel. Tout est précis au niveau de l’exécution et Soreption profite des 40 minutes accordées pour s’exécuter amplement sur leurs chansons qui se veulent de longs fleuves de technicité certes, mais qui demeurent excessivement groovées.
De mon côté, je suis en mode « Oui-ouisme » tout en me disant qu’une seconde guitare se voudrait plutôt avantageuse pour le groupe.
Depuis quelques temps, je me rends compte que les salles de spectacles s’adaptent aux goûts biéricoles des amateurs de metal. Effectivement, hier soir, les produits de Lagabière étaient à l’honneur en cette soirée death métallique. À moins que ce ne soit que le résultat de la grève qui sévit chez Molson? Si c’est le cas, j’en sors tout simplement plus bourratif car de se clancher une succulente Ta Meilleure pendant Atheist se voulait sublime.
Croire en tout, croire en rien
Je n’avais jamais vu Atheist en concert. Groupe des années ’90 qui n’a jamais obtenu de véritable succès, leur style se voulant trop avant-gardiste avec leur fusion de death metal jazzé aux accents de thrash progressif, cette formation s’est surtout fait connaitre en relation avec la mort de leur bassiste Roger Patterson, décédé dans un accident de voiture.
Maintenant, le leader du groupe, Kelly Shaefer, fait cavalier seul et il s’est entouré d’une horde de jeunes loups, dont le pétillant bassiste Yoav Ruiz-Feingold qui s’était fait amplement remarquer lorsqu’il jouait sur scène lors de la visite de Hideous Divinity.
Sur scène, les musiciens voulaient impressionner. Les deux guitaristes étaient à l’avant-plan, alternant solos et autres portions complexes. Pendant près d’une heure, le groupe a occupé la scène en maximisant sur l’album Unquestionnable Presence avec des morceaux comme Brains, Enthralled in Essence, Mother Man et And the Psychic Saw.
Au-devant de la scène, le tout a vraiment commencé à bouger. Le pit a pris de l’expansion, ce n’était plus seulement quelques matamores qui se laissaient aller, nous avions un amoncellement certain de participants, recevant un valseur directement sur mon genou gauche, le faisant plier avec un degré de douleur plutôt tolérable.
Schaeffer était tout sourire sur scène, se rappelant que sa dernière visite à Montréal remontait à de nombreuses années mais confirmant que la métropole demeure l’une des villes les plus métalliques sur Terre, chose que nous savions tous, déjà! Figure facilement reconnaissable avec son combiné bandeau/casquette, de voir ce monsieur de 53 ans s’éclater avec sa troupe assoiffée de metal, il était hypnotisant de les voir bouger et hurler à tout rompre sur d’autres chansons comme Piece of Time, Unholy War et On They Slay.
Si Suffocation n’était pas une machine si bien huilée, on aurait immédiatement donné la victoire à Atheist.
Étouffé dans tes entrailles
Vers 21h55, nous pouvions voir Eric Morotti en train de placer ses cymbales car lui et le batteur d’Atheist partagent le même kit. Plus rapide au niveau des changements, le tout se voulait apprécié, surtout qu’il se faisait tard. Suffocation est monté sur scène vers 22h10, heure à laquelle, de manière générale, je suis déjà en train de ronfler aux côtés de mon épouse.
Aucunement en tournée pour promouvoir un nouvel album, Suffocation y est donc allé avec un tour d’horizon qui couvrait les gros canons du groupe. Ricky Myers se voulait pimpant et il était clair qu’il venait s’imposer comme LA nouvelle voix de Suffocation en y allant avec Liege of Inveracity, au départ. Chanson phare du groupe, on sent que sa gorge se veut puissante et elle s’est moulée à merveille sur les suivantes qu’étaient Effigy of the Forgotten, Catatonia, Entrails of You et Torn Into Enthrallment.
Morotti est excessivement à l’aise aux percussions. Son technicien est même en place pour atténuer les coups de cymbales. Charlie Eriggo se veut alerte à la guitare et il se veut épaulé parfaitement par son mentor, Terrance Hobbs. Comme de raison, le jeu à la basse de Derek Boyer est tout simplement hallucinant, déposant son instrument sur le sol et se laissant aller les doigts avec agilité sur Jesus Wept, Pierced from Within, Breeding the Spawn et Infecting the Crypts.
Le cou commençait vraiment à m’élancer. Je sentais les nerfs me tirer du haut du dos jusqu’à la base de mon cerveau, ayant abusé du mouvement répétitif qu’est le « oui-ouisme ». Foule particulièrement active, il était fascinant de voir autant de jeunes participants s’entrechoquer avec des types qui pourraient être leur père.
Si la musique réunit les gens, Suffocation a réussi à les faire sentir comme des espadrilles dans une sécheuse à linge!
Photos : Joé Calvé (22 juin 2022 au Studio TD de Montréal)