Avec le retour des tournées internationales en nos contrées durement éprouvées par deux années et demie de pandémie, un passage fort attendu était celui de la célèbre formation britannique Cradle Of Filth nous ayant gratifiés en 2021 de l’excellente galette intitulée Existence Is Futile. De plus, votre scribe fut fort attristé que notre pays ait été privé de la tournée anniversaire du séminal album Cruelty And The Beast. Il fut donc normal pour moi, malgré le fait que le concert de Québec soit prévu pour un peu convivial mardi soir, de me diriger vers l’Impérial Bell à toute vitesse à bord de mon bolide, accompagné de ma déesse métallique. Avant de commencer la description de cette soirée mémorable, notons qu’un certain mystère planait sur les groupes faisant partie de la tournée après des rumeurs concernant Danzig, un abandon forcé de la tournée pour Misfire en raison d’infections à la COVID et l’ajout de la formation très connue de Québec Aeternam pour ouvrir la soirée dans leur ville. Les seules choses coulées dans le béton semblaient être la présence de la tête d’affiche et de Frayle, groupe de Doom atmosphérique de Cleveland, Ohio, dirigé par la chanteuse Gwyn Strang.
Après avoir rejoint notre photographe Charles-Alexandre devant l’Intermarché voisin de la salle, fait notre entrée dans la salle déjà passablement bondée et acheté des breuvages à base de houblon, Aeternam montait sur les planches à 19h30 précises. Bénéficiant d’un son exemplaire de la part de François C. Fortin, nos Death métalleux aux influences moyen-orientales et progressives se lancèrent dans une solide demi-heure de leur meilleur matériel, nous présentant au passage leurs deux nouveaux membres Mathieu Roy-Lortie à la guitare et Hubert Gonthier-Blouin à la basse et aux back vocals. Précis comme une horloge, le quatuor mené par Achraf Loudiy (guitar, chant) nous démontra qu’il ne chôme vraiment pas en nous révélant du nouveau matériel à paraître sur leur cinquième album Heir Of The Rising Sun, qui sortira le 2 septembre prochain. Je vous conseille d’ailleurs d’aller écouter la délicieuse Beneath The Nightfall qui se trouvera sur cet album et qu’ils nous interprétèrent avec aplomb. D’ailleurs, le plaisir de rejouer devant leurs fans de leur ville pouvait se lire sur le visage des membres de la formation et aussi dans les nombreux encouragements fructueux à brasser son prochain du chanteur et fondateur du groupe. Ce fut donc une très bonne mise en bouche.
Suivait Frayle, qui entama sa prestation devant un public maintenant encore plus nombreux et compact que pour leurs prédécesseurs. Aussitôt, la soirée prit une tangente beaucoup plus lente et pesante, car le quatuor évolue dans un genre de Doom atmosphérique teinté de Post-Metal et de Goth Metal. Guitare lourde et saturée, batterie lente et pesante et basse vibrante surplombée de la magnifique voix feutrée de la chanteuse furent donc au rendez-vous. Malgré la qualité de la prestation offerte, certains spectateurs marquèrent leur impatience face à une musique plus lente et contemplative, pour ma part je fus plutôt ravi par ma découverte malgré une certaine redondance musicale dans les titres offerts au début du set qui fut corrigée par des chansons plus relevées en fin de parcours. Quelques petits problèmes techniques avec le moniteur d’oreille de la vocaliste semblèrent l’agacer et un retour de son mineur dans l’oreillette du guitariste furent les seuls points négatifs que je pu relever. Toutefois, rien de majeur et le son de François C. Fortin fut encore exemplaire dans l’ensemble ce qui fit que j’entendis finalement plusieurs membres du public dire que Frayle était leur découverte de la soirée.
C’est donc devant une foule très compacte et bruyante que Cradle Of Filth fit son entrée en scène au son d’une habituelle introduction orchestrale et se lança aussitôt dans une interprétation violente de Existential Terror, tirée de leur nouvel album, mais un guitariste en moins…Effectivement, le nouveau guitariste live Donny Burbage a dû quitter la tournée pour des raisons familiales que ce fut évoqué par Dani Filth entre deux chansons. Comme si cette absence donnait plus d’énergie malsaine aux vétérans, ceux-ci enchaînèrent les viols auditifs avec une faim de lion en cage. Le son, œuvre de leur propre ingénieur du son, me sembla mieux balancé et aéré que les trois autres fois que j’ai pu voir le groupe, peut-être justement en raison de la place laissée dans le mix par une seule guitare dans une salle réputée pour sa réverbération naturelle. Le célèbre frontman était particulièrement en voix avec ses classiques hurlements suraigus impressionnants dont il a le secret. De plus, je me dois de noter la solide performance vocale de la nouvelle chanteuse-claviériste du groupe, Zoë Marie Federoff, ancienne étudiante de la célèbre Floor Jansen (Nightwish, Ex-After Forever, Ex-ReVamp) qui a rendu les parties vocales féminines avec puissance et justesse. L’absence d’un guitariste passa donc vite presque inaperçue, aussi grâce à un Ashok extrêmement doué à la guitare et démonstratif, tant la formation s’était donnée pour mission de tout détruire. Ma seule petite déception de vieux fanatique, fut le faible nombre de « vieilles tounes » au programme, mais tout de même, je fus content d’entendre de solides interprétations de A Gothic Romance (Red Roses For The Devil’s Whore), Lustmord and Wargasm (The Lick Of Carnivorous Winds), et pour terminer la soirée, Her Ghost In The Fog. Il est quand même normal que la tournée de Existence is Futile fasse la part belle à des titres comme Crawling King Chaos, How Many Tears To Nurture A Rose? Et Necromantic Fantasies, mais on aurait pu se passer de I Am The Thorn du décevant Thornography (2006).
Ce fut donc, en somme, un passage très réussi dans la vieille capitale pour la troupe de Dani Filth, malgré l’absence d’une deuxième guitare et je crois pouvoir affirmer sans l’ombre d’un doute que pour plusieurs spectateurs présents, ce fut une formidable première fois avec le groupe britannique. Effectivement, il y avait beaucoup de jeunes visages dans la salle et même des parents avec leur progéniture ado-jeune-adulte que je n’avais jamais vus dans des concerts métalliques. De surcroit, je fis une très belle découverte avec Frayle et je fus encore impressionné par la solidité de Aeternam en concert, groupe que je n’avais pas revu sur scène depuis un sacré bail. Admirez les photos de la soirée de Charles-Alexandre Tourchot!