Dans une épopée caniculaire, j’eus le courage de me diriger vers l’Impérial Bell pour toute une soirée de Prog métal. Trois groupes venus d’un côté comme de l’autre de l’océan figurent sur le billet de la tournée 25e anniversaire de Symphony X avec Haken et Trope en première partie.
C’est la 4e date sur cette tournée à Québec pour ensuite se diriger vers Montréal le lendemain. En scrutant la salle, je remarque que nous avons affaire à un public aguerri et relativement âgé (plusieurs pourraient être mes propres parents). Cependant, la salle n’est pas encore pleine et ne le sera pas avant le 2e groupe de la soirée…
Trope : le malaise généralisé
La formation normalement constituée de 5 musiciens se présente sur scène avec seulement deux joueurs : la chanteuse Diana Studenberg ainsi qu’un guitariste. Des ordinateurs et des séquenceurs sont sur place, sans rien d’autre à dévoiler sous les nombreux draps qui cachent plusieurs instruments.
Ce groupe provenant de Hollywood, avec une chanteuse montréalaise, sonne relativement identique d’une chanson à l’autre. C’est assez hypnotique, très relax et j’aurais bien aimé me faire envoûter, ce qui n’a pas été le cas. Le côté grunge/prog de la formation me rend un peu perplexe. On ressent les influences de Tool, ce qui est normal puisque David Bottrill a mixé l’album Eleutheromania avec Ted Jensen au mastering (Alice In Chains, Pantera, Stone Temple Pilots, etc.). C’est donc un son connu et copié-collé sur une drôle de performance.
Non seulement être deux sur une scène sans drummer ne réussit pas vraiment à attirer l’attention du public, mais encore faut-il avoir un peu de charisme. Malheureusement, le duo a l’air un peu nonchalent et, malgré sa jolie voix, la chanteuse demeure très timide et semble manquer d’expérience (celle-ci crie souvent dans son micro et l’éloigne beaucoup trop, crée souvent des feedbacks en tenant son micro trop près des moniteurs, fausse à plusieurs reprises dû au fait qu’elle ne s’entend probablement pas très bien, etc.). Bref, des erreurs de débutante…
Que ce soit de Lambs, leur première pièce avec une belle introduction, ou Plateau jusqu’à Privateer, tout sonne littéralementpareil ou déjà vu. Après la 4e chanson, je décroche et je me rends compte que je ne suis pas la seule. Le public est très bavard, regarde poliment la performance et la chanteuse tente timidement de faire lever la foule et échoue. La pauvre… le guitariste ayant la personnalité d’un bâton de popsicle n’aide pas non plus. J’ai rarement vu une première partie aussi triste et malaisante. Dans les dernières chansons, elle réussit à obtenir quelques « hey hey » forcés de pitié. Clairement : nous ne sommes pas le public cible. Pourtant, la musique y est, mais définitivement, il aurait fallu le groupe entier, c’est la moindre des choses non? Je suis vraiment déçue et j’ai hâte à la prochaine performance qui, je sais, me décoiffera littéralement.
Haken : les Gentle Giant actuels
Enfin du son! Enfin de la prestance! C’est vers 20 h 15 que les Londonniens envahissent la scène avec leur air sympathique. Malgré la chaleur écrasante, ceux-ci entament Prosthetic au grand bonheur de tous. C’est un bon moyen de débuter le récital puisque c’est également ce morceau qui ouvre leur album Virus, sorti en 2020.
Le chanteur Ross Jennings prouve à toutes et tous qu’il sait chanter et en impressionne plusieurs. On croirait presque à du lipsync tellement sa performance ressemble à celle en studio et je vous garantis que ce n’en est pas. Les musiciens ont tout un look, surtout avec leurs guitares sans tête, ce qui ajoute un effet WoW pour le style et un côté visuellement symétrique à la scène.
Le synthétiseur : toujours impeccable. Peter Jones débute Invasion et la performance redouble d’ardeur. Celui-ci ainsi que le bassiste et le drummer effectuent des back vocals à la perfection. C’est très tight. Pour la suite, on décide de nous servir leur tout dernier single Nightingale. Les harmonies vocales sont justes, les punchs bien exécutés et on a droit à quelques moments à la Radiohead pour enfin entrer dans le cœur de la performance avec Cockroach King, un grand classique. Cette pièce m’a toujours fait penser à Knots de Gentle Giant. C’est un désordre unifié. En fait, ce band est littéralement une seule et même personne. Ce qui est intéressant, c’est qu’on a droit à des pièces d’albums différents tout au long de la soirée et même à un petit jam jazzy vers la fin de la pièce. Les musiciens ont l’air de s’amuser et j’admire vraiment Peter Jones de pouvoir jouer une partie aux claviers et de chanter autre chose de complètement dissonant. C’est d’ailleurs le seul moment où le chanteur demande aux gens de lever les bras dans les airs et de les balancer de gauche à droite : pas parce que la performance n’est pas intéressante, mais plutôt parce que les temps, la métrique, les punchs et le tempo changent sans arrêt et c’est ce qui fait que Haken est un groupe de virtuoses.
Nil By Mouth vient brasser la cage de façon plus importante. Il fait de plus en plus chaud, mais rien n’empêche les musiciens de livrer la marchandise ou au public d’apprécier le spectacle. Le chanteur laisse la place au groupe très souvent, mais revient cette fois-ci orné de lunettes style laser années ’80. Le synthétiseur en remet de plus belle et, juste avant d’entamer 1985 (on repassera pour le concept, mais l’effet lunettes était là en masse), on y insère un petit bout de cover de Owner of a Lonely Heart. Le public est charmé. Pour fermer le bal : Carousel et rien de moins. On joue avec l’éclairage arc-en-ciel, on met le paquet et c’est avec la nuque bien trempée que je décide de me rendre à l’étage pour apprécier pleinement la performance du groupe demi jubilaire : Symphony X.
Symphony X : Le triomphe
25 ans, c’est clair que ça se fête. Ceux-ci ayant souffert comme tout le monde de la pandémie, ils ne manquent pas de nous dire qu’ils sont heureux de nous revoir après un long soundcheck. C’est cependant avec une introduction mystérieuse au piano que Nevermore s’élance. Je ne suis pas fan du look avec les lunettes soleil, mais je m’y attendais : Russell Allen les porte fièrement et c’est sa marque de commerce. Il les enlève cependant pour le reste de la soirée et j’en suis ravie. Le chest bien en vue et garni de bijoux, le leader du groupe démontre qu’il est bien en voix, même après toutes ces années. Complice avec son guitariste Michael Romeo, sa voix rauque autant que clean est bien placée. Ces bestiaux ont quand même entre 49 et 56 ans : ça m’impressionne. Le son est bien balancé, on entend bien le clavier ainsi que tous les autres instruments.
Les éclairages sont très dynamiques, beaucoup plus que les groupes précédents. On tente de faire une coupure et de rendre le tout moins feutré et plus explosif. Serpent’s Kiss and Sea of Lies sont les pièces qui déroulent dans nos oreilles avec un solo de Mike LePond qui éclate tout. Verre de rhum à la main, encourageant les siens, le chanteur agit en vraie rock star accompagné de Michael Romeo qui déferle ses shreds étourdissants et ses arpèges de feu. La soirée passe très vite.
Malgré le fait que Symphony X n’ait rien sorti de nouveau depuis 2015, l’ambiance est très joviale. Les fans sont vraiment heureux et c’est la nostalgie qu’on quémande ce soir, et ce, après 25 ans de succès. Ceux-ci sont d’ailleurs très reconnaissants envers leur public et entament ensuite une pièce plus lente, mais bien exécutée, Without You. Ça donne un petit break et remet un peu d’équilibre dans la performance. Question de demeurer dans l’ambiance, on poursuit avec la ballade When All Is Lost au grand bonheur de ces madames qu’on entend crier un peu partout dans la salle. Le choix des pièces est ingénieux puisqu’on perd la notion du temps. Le public chante à gorge déployée et le chanteur finit la pièce en s’amusant avec le public en les faisant répéter plusieurs prouesses vocales amusantes a capella.
Kiss of Fire et Run with the Devil sont les suivantes. Ça pitonne en sale. C’est très expressif et généreux. Lorsque Romeo joue, c’est fait les deux doigts dans le nez (notons ici que je ne sais même pas jouer la vache à mayotte sur une guitare). Le solo de keyboard donne froid dans le dos. D’ailleurs, j’aime beaucoup la présence du chanteur sur scène entre les chansons. On se rend rapidement compte que c’est un parleux. Pour clore, on met le feu avec Set the World on Fire et ses délicieux sons de clavecin. Des micro slams d’un côté, des caboches qui font des oui-oui de l’autre, c’est la débandade, mais Russell n’a même pas la voix fatiguée. Tout le monde connaît les paroles et c’est avec, évidemment, The Odyssey en rappel que se termine la soirée. Derrière la grille, tout en avant, un couple tient son jeune enfant qui dort dans leurs bras à tour de rôle. Personne ne voulait manquer l’occasion de chanter à cœur ouvert ces paroles avec Symphony X :
Triumphant – Champion of Ithaca
I will right all the wrongs
Let the Gods sing my song
Triumphant – Champion of Ithaca
Let a new life begin
This is the end of my Odyssey