Une 2e prise pour moi cette semaine à l’Impérial Bell. Cette fois, la foule est toute autre que vendredi dernier. Ce soir, des fanatiques de musique instrumentale, de Prog, de Doom, de Post et de Sludge sont de la partie. Dès l’entrée en salle, on remarque des gens plus âgés, plus matures, autant des femmes que des hommes et même quelques enfants. La petite table de marchandise attire tout le monde et il est comique d’y remarquer la jarre à pourboires munie d’un message haineux envers Vladimir Putin. En faisant un tour de salle, je constate qu’il n’y a pas de zone réservée aux photographes et la sécurité semble très relax.

The Ocean et Leprous en sont à leur 31e date sur leur calendrier de tournée nord-américaine. Ottawa et Toronto seront ensuite les dernières avant leur retour en Europe. Nous avons donc droit à une programmation de musique très dense, contemplative et vocalement très impressionnante. L’excitation est quand même à son comble parmi plusieurs fans et tous se demandent : 2 bands, 3 heures, vraiment? Voyons voir.


The Ocean ou The Ocean Collective ou Le Mur de Son

The Ocean (ou The Ocean Collective puisque le groupe se considère plutôt comme un collectif étant donné que le lineup a souvent été modifié) est une formation allemande de Prog Atmosphérique / Sludge / Post métal. Ils sont normalement 6 membres, mais dû à un fâcheux accident, le chanteur Loïc Rossetti est absent depuis la fin mars. En effet, ce dernier s’est littéralement cassé les deux jambes, ni plus ni moins. Celui-ci a même insisté pour performer en chaise roulante les 23 et 24 mars derniers, mais au nombre de dates restantes au calendrier, il a dû retourner au bercail avant la fin de la tournée puisque c’était beaucoup trop douloureux pour lui.

Qu’à cela ne tienne! Des renforts y étaient : des trames sonores, une alternance au chant clean entre les membres du band et même leur directeur de tournée, Gabbo du groupe Implore, est venu à la rescousse du groupe au growl tout au long des dernières semaines.

Le groupe arrive sur scène sous un éclairage vaporeux et s’affaire à jouer l’album Phanerozoic II : Mesozoic | Cenozoic en entier, en débutant avec Triassic. Un début très doux, chanté et un public timide. Le guitariste demande aux gens de s’approcher et ce n’est qu’une question de temps avant que ça trippe.

Miocene | Pliocene est la pièce suivante et l’ambiance ne fait que devenir de plus en plus enivrante. Ensuite, avec Oligocene au début très contemplatif, le groupe enrobe la salle avec une batterie qui est loin d’être rudimentaire, un bassiste en plein contrôle et du chant aux tendances un peu arabic. Les guitaristes s’amusent à utiliser la scène à son plein essient en montant dans les mezzanines sur les côtés. Le blend entre ceux-ci est incroyable. La foule, surtout celle placée au centre, en a eu plein les oreilles avec un son lourd, mais garnie d’ornements bien effilés de la part du guitariste soliste.

Wow, que le temps passe vite! Permian : The Great Dying et Holocene s’enchaînent comme si de rien était. Ces pièces sont un peu plus douces et c’est un moment privilégié entre le public et le bassiste qui, toujours placé au centre de la scène, livre la marchandise. D’un petit français timide, on présente ensuite Palaeocene où cette fois tout le monde prend part à l’action et où Gabbo met le feu à la foule en faisant du body surf. C’est certain que lorsqu’il y a un frontman, ça fait une méchante différence et le public l’a compris. Le slam a débuté et s’est poursuivi jusqu’à la dernière chanson : Jurassic | Cretaceous. Cette pièce est vraiment très punchée, percussive et primitive (avec le batteur qui abuse agréablement du rim shot, ce qui fait penser à un son d’ossements). C’est extrêmement tight. Le public, honnêtement, en redemande malgré un bon 50 quelques minutes de performance. C’est franchement un groupe à découvrir si vous ne le connaissez pas déjà.


Leprous ou plutôt se faire aller la glotte aux quatre vents

Leprous arrive directement de Norvège. Prévue pour le 6 mars dernier, la performance a dû être reportée à ce soir vous savez pourquoi. Il est maintenant 21 h 15 : on voit débarquer le guitariste Tor Oddmund Suhrke, le batteur Baard Kolstad, le second guitariste Robin Ognedal, le chanteur Einar Solberg et finalement le violoncelliste Raphael Weinroth-Brown, au grand bonheur du public. Pas de bassiste? Eh non… c’est le festival des musiciens absents ce soir. Simen Daniel Børvenle a dû quitter la tournée pour des raisons personnelles. Encore une fois, rien de tout cela ne paraît et le spectacle continue.

Out of Here débute la liste des chansons, tout comme sur l’album Aphelion. On remarque un problème de micro au violoncelle qui se résorbe plus tard. Le public est attentif, l’éclairage est rose et doux. On ressent vraiment beaucoup d’excitation de la part du public. Les personnes présentes connaissent la chanson et la chantent à gosier bien ouvert. La particularité de Leprous est définitivement le chanteur Einar Solberg. Celui-ci a une maîtrise et une puissance vocale irréprochable. Pour celles et ceux qui s’y connaissent en chant, c’est le pro du twang, du belting et du falsetto. Je n’ai jamais vu un chanteur autant maîtriser sa voix. Je pourrais en parler sérieusement très longtemps, mais c’est le point fort du groupe et de la soirée.

Avec passion, on débute Illuminate. D’ailleurs, tout au long de la soirée, on joue des pièces de différents albums, en passant par Pitfalls, Aphelion, Malina, Coal et The Congregation, ce que je trouve tout à fait louable et qui permet d’admirer la gamme de morceaux différents à l’arc du groupe. En devant de scène, on y trouve un clavier et un pad séquentiel qui, demeurent en général bien sollicités par le groupe tout au long de la performance. Ensuite, les vocalises entamées au début de The Cloak sont charmantes, c’est soft et parfait. Les fans chantent, les mains dans les airs, au travers des rayons de lumière qui descendent sur eux. Below s’en suit au grand bonheur de plusieurs (je m’inclus dans le forfait). Einar monte sur le devant de la scène à plusieurs reprises, tous chantent à cœur ouvert et c’est un moment intense pour la majorité des gens présents. Les membres du groupe bougent bien, occupent la scène de façon très à l’aise et parfois même d’une manière très théâtrale.

Le chanteur s’adresse à la foule avec quelques blagues, mais on ressent quand même une petite distance, ce qui est typiquement norvégien. Ce n’est que de très courte durée puisque l’atmosphère demeure détendue entre les pièces, et ce, pour le reste de la soirée. La foule entame un groove collectif sur le morceau bien connu The Price. On invite les gens à chanter et on poursuit avec un peu de jasette puisqu’on semble avoir un problème technique à la guitare. Running Low rend le public hors de lui-même, l’énergie est franche et la pièce se termine avec un solo du violoncelliste hors du commun. Ce dernier, d’ailleurs, offre une prestation très impressionnante, en alternant entre le violoncelle, le clavier et le pad séquentiel. Personne ne reste indifférent à la suite : At The Bottom et Have You Ever? Le son est riche, que pourrait-il arriver de plus? Castaway Angels, une pièce que le chanteur Einar dédie à sa partenaire ukrainienne. Leprous livre alors un message de paix et fait la demande spéciale à l’Impérial de garder le silence complet, ce qui semble difficile, mais faisable. Quelques personnes chantent au travers, mais le respect le plus complet sévit dans la salle. C’est un beau moment d’intimité qui se veut ensuite mis de côté pour Nighttime Disguise, pièce qui termine le setlist prévu. Cette chanson qui a été créée en collaboration avec les fans se veut très difficile à jouer, à chanter et à analyser. Le chanteur s’amuse d’ailleurs à nous dire que ce sera bien la dernière fois que le groupe procédera de cette façon pour créer une chanson. L’exécution se veut parfaite et on y distingue même un pit vers la fin de la pièce. Les rappels, Slave et The Sky is Red sont parfaitement conçus pour les fans incontestés. Tor Oddmund Suh s’amuse d’ailleurs à aller jouer sur la batterie de son collègue pour quelques moments.

Ni vu ni connu, la performance se termine à 22 h 55… presque 2 heures à offrir à leurs fans, et ce, avec un gorgoton bien impliqué de la part du chanteur. Sans farce, même étant fan finie du groupe, je n’aurais jamais cru avoir autant de quantité et de qualité de matériel de la part de Leprous. En espérant les revoir bientôt…