Le duo suisse Ungfell récidive cette année avec un troisième opus intitulé Es grauet. Puisque j’ai vraiment aimé Tôtbringære, leur premier album, de même que Mythen, Mären, Pestilenz paru chez Eisenwald en 2018, c’est avec des attentes et une certaine curiosité que je me suis prêté à l’écoute de cette nouvelle galette.
Il m’apparaissait logique de garder la direction prise depuis Tôtbringære, mais qui sait, le groupe aurait très bien pu emprunter, à ma grande déception, une avenue plus expérimentale. Dès les premières notes, je fus satisfait d’entendre qu’Ungfell sonnait toujours Ungfell! Le projet a cette particularité d’avoir un son typé et caractéristique qui, selon moi, marque leur différence en termes d’esthétisme sonore et fait tout son charme.
Cela dit, attention! Ce n’est pas parce que le groupe poursuit sa route sur un sentier sonore douillet qu’il ne repousse pas les limites de son art sur d’autres plans. L’écoute de l’album nous suspend littéralement dans le temps de sorte que les 38 minutes semblent s’écouler en un claquement de doigts. Enfin, si cet album comporte un point faible, il n’est pas au plan musical, mais plutôt graphique. Si le groupe nous offre habituellement des illustrations sobres, mais esthétiquement de bon goût, disons que la pochette de cette dernière offrande est juste… ordinaire…
À ma première écoute, j’ai été surpris du niveau de maîtrise des arrangements qui font alterner les segments typiquement black metal et folk dans un parfait équilibre. Si l’influence de la scène allemande s’entend dans certains riffs de même que sur certaines harmonisations des guitares, l’ajout de passages de guitare classique, guimbarde et flûte apporte sans conteste cette ambiance propre à Ungfell qui sait mettre la table pour des moments folk à la limite du festif pour ensuite nous faire replonger tête première dans le black metal avec des parties de batterie très dynamiques et une utilisation originale de la basse qui ne se gêne pas pour nous torcher des lignes complexes, notamment dans la chanson Mord im Tobel, qui fait beaucoup plus que simplement supporter l’ensemble.
Étant de l’école qui préfère se faire déchirer les oreilles par des guitares brillantes et aigues plutôt que sourdes et effacées, j’ai été rassasié avec Es grauet! Ce sont manifestement ces dernières qui sont à l’avant plan et ce choix sonore fait en sorte que les mélodies s’en trouvent rehaussées et cela permet d’asseoir une certaine complémentarité entre les guitares et la batterie. On ne peut passer sous le silence la performance de Menetekel qui n’hésite pas à utiliser plusieurs techniques de chant ainsi que plusieurs registres de voix tout au long de l’album. Il y a fort à parier que les essais de combinaisons vocales ont dû être nombreuses avant d’en arriver au produit final. J’ai particulièrement apprécié ce souci du détail qui aura permis d’engendrer les textures sonores qui en résultent.
Sans faire une analyse exhaustive des titres, je réitère que l’opus coule avec une fluidité des plus agréables, mais je dois également avouer que j’ai un faible pour les pièces plus longues qui permettent justement de prendre le temps de faire voyager l’auditeur.
Si Tyfels Antlitz débute l’album avec une véritable mornifle au visage, Chnochelied et D Unheilspfaffä vom Heinzäbärg viendront assurément entretenir cette tournée générale de taloches qui, comme moi je l’espère, vous feront hocher de la tête avec un sourire de béatitude un peu niais! Enfin, si vous désirez entendre quelque chose de différent, mais qui respecte l’étiquette du style, vous trouverez probablement satisfaction dans l’univers sinueux d’Ungfell!