Jeudi 13 février, il est 11h07 du matin. Je viens d’arriver de pelleter, et la neige tombe encore. Et encore. Je suis dans le domaine de l’éducation, mon école est donc fermée. J’ai deux ados qui n’ont pas d’école, pourquoi ne vont-ils pas pelleter à ma place? C’est parce qu’ils dorment encore. Les écoles ont annoncé, mercredi soir, qu’elles seraient fermées en prévision de la tempête qui, je dois l’avouer, se veut consistante. Veille de la St Valentin, je suis donc attablé au comptoir de la cuisine et je peux taper sur le clavier tout en écoutant la nouveauté de Sacrifice.

Ce groupe canadien existe encore et leur nouvel album, Volume Six, est véritablement leur sixième album. Titre évocateur et aucunement subtil, il faut se demander si cette formation de Toronto a encore du gaz dans le réservoir. Un peu à l’image de ma performance sur la pelle de tout à l’heure, le quatuor en a encore dedans.

Effectivement, malgré ma cinquantaine, je suis encore capable de prendre ma gratte légèrement large pour pouvoir garocher la neige pour ainsi créer un immense monticule qui se transforme en un banc de neige. Mais je ne me garoche pas tel un forcené sur la pelle, je ne vais pas en mode vitesse dès le départ.

Par contre, Sacrifice n’imite pas mon comportement sur ce nouvel album car avec Comatose, c’est immédiatement en mode rapidité que la troupe ajuste son tir. Après l’introduction d’une vingtaine de seconde, on se retrouve en mode thrash sur cette chanson. Avec des élans qui rappellent les derniers albums de Kreator, Sacrifice confirme que malgré l’avancement en âge, on ne recule pas dans l’exécution métallique.

Je prends le temps de m’étirer le cou pour voir qu’il neige encore. Je prends une gorgée de mon second café de la journée, directement de ma tasse de KISS et c’est Antidote of Poison qui débute. Avec un groove à la Lamb of God, on poursuit en mode ouverture sur cette pièce qui se veut, dans l’ensemble, moins rapide mais fichtrement efficace avec sa rythmique galopante.

Ensuite, le morceau du nom de Missile me remet Destruction en tête mais c’est avec Underneath Millennia que je me retrouve avec cette première véritable dose d’originalité. Je ne suis plus en mode comparaison. C’est un morceau beaucoup plus axé sur la musicalité avec des leads bien sentis et une basse bien ondulante. Cadencée avec des lignes plus progressives, elle se veut excessivement bien travaillée comme pièce musicale.   

Sacrifice reprend en mode thrash avec Your Hunger for War. C’est lourdaud lors des mesures initiales mais ensuite, le groupe passe la souffleuse avec aplomb. Les notes sont projetées bien hautes, pour mieux retomber pour créer un barrage sonore digne du banc de neige qui se dresse devant ma fenêtre de salon.

Sachant que je vais devoir aller donner un coup de pelle additionnel, je me dis que je me dois d’écouter l’album jusqu’à la fin avant de retourner dehors. Par contre, je me dis que je devrais combiner le thrash de Sacrifice avec l’intensité de mon pelletage. Je pogne mon iPod, sors le fil pour connecter cet objet médiéval avec mon ordinateur et je fais le transfert, chose que je n’avais pas encore faite.

Dehors, bien emmitouflé mais ayant les yeux aussi libres qu’Elon Musk et son fils dans le bureau ovale, je m’active de nouveau sur la pelle. J’ai repris l’album du début et j’en apprécie encore la puissance qui s’en dégage.

Rendu presqu’à l’asphalte à force de gratter avec vigueur, je me dis qu’il faut que je slacke un brin la cadence. Ce n’est pas un concours de vitesse, après tout. Une collègue de travail me faisait remarquer, cette semaine, que lors des tempêtes, les ambulanciers se préparent non pas pour aller sur les lieux d’un accident de bagnoles mais plutôt pour aller repomper la patate de pelleteurs qui vivent des malaises cardiaques reliés au pelletage intensif.

Et à 50 ans, je dois y aller mollo.

Même si Incoming Mass Extinction m’incite à reprendre ma pelle avec vivacité, j’en profite plutôt pour faire des oui-ouis de la tuque, tout en regardant l’immensité blanche qui m’entoure et le frimas envahissant ma barbe. Morceau ultimement thrash metal, c’est sa guitare gratouillante et la voix vinaigrée qui mènent le bal sur celle-ci. Avec l’instrumentale qu’est Lunar Eclipse, je continue d’être en mode repos tout en me rappelant que Sacrifice est toujours composé des mêmes membres et ce, depuis 1985.

40 ans cette année, c’est plutôt impressionnant!

Explode est, comme l’indique son nom, un morceau plutôt explosif quoique sa partie médiane se veuille plus contemplative. Sa finale tempétueuse nous amène vers l’instrumentale Black Hashish, avec une facture plus lugubre, plus doom et bien ficelé au niveau musical. Autre coup fumant sur Volume Six, on peut apprécier le talent de chaque musicien sur celle-ci. La basse de Scott Watts est moelleuse, les guitares d’Urbinati et de Rico sont précises et bien variées et les percussions de Gus Pynn sont balourdes.  

En finale, deux grosses bordées avec We Will Not Survive et la surprise de l’album qu’est cette reprise de Trapped in a World de la formation canadienne hardcore Direct Action. Morceau très crossover, il met en vedette la voix de Brian Taylor, un gars qui a chanté auparavant avec Youth Youth Youth mais qui s’est recyclé en producteur d’albums. C’est lui qui a réalisé des albums pour Razor, Slaughter (les vrais, pas la troupe de hair metal) et les trois premiers Sacrifice, justement.   

Pelle à la main, je me disais que ce nouveau Sacrifice se voulait complet et excessivement pertinent. Il est plutôt incroyable d’entendre une formation aussi solide après plus de 40 ans de métier. Sacrifice n’a aucunement abaissé sa vitesse et demeure bien haut dans la hiérarchie métallique canadienne.

Et pelle à la main, je regarde la gratte passer, créant un immense remblai de neige devant mon entrée, venant allonger de quelques dizaines de minutes ma prestation sur ma pelle. J’appuie sur PLAY, Comatose reprend et je reprends de plus belle, les mains agrippant fortement le manche de ma pelle comme le ferait Gus Pynn sur ses mailloches!                     

Disponible le 21 février sur Cursed Blessings Records/High Roller.

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Photo : Kelly Clark