Des fois, par souci de confort, je prends des décisions qui se veulent, discutables. Mercredi, je me suis dirigé vers le Théâtre Fairmount de Montréal pour assister à l’arrêt de cette caravane scandinave qui réunissait Amorphis et Dark Tranquillity, en plus d’avoir à la remorque les Américains de Fires in the Distance. J’ai stationné ma voiture près de la station Sauvé pour prendre le métro, direction station Laurier. J’y ai laissé ma veste automnale car ça ne me tentait pas de la trainer pendant le concert. Par contre, il mouillassait. Un petit crachin irritant qui humidifiait mes lunettes, qui a rendu mon jeans humide et mon t-shirt avait des airs de débarbouillette qui sèche sur le rebord du bain après avoir lavé le plus jeune avant le dodo.

J’entre dans la station Sauvé et je profite de cet espace de courant d’air constant pour me sécher. J’ai quasiment l’air louche à bretter sur le bord de la cabine du guichetier mais au moins, ça me permet d’attendre 18h00 pour avoir le tarif soirée illimitée. Il est 17h52, j’ai donc 8 minutes pour sécher. D’un autre côté, j’allume que je devrai marcher une bonne dizaine de minutes à Laurier pour me rendre au Théâtre Fairmount. C’est à ce moment que je me dis que ce n’est pas parce que tu as un baccalauréat que tu prends immédiatement les meilleures décisions qui se veulent… logiques.

En sortant de Laurier, j’aperçois un parapluie abandonné par un enfant aux couleurs de Hello Kitty. L’envie me prend de l’agripper mais sachant que je me rends dans un concert metal, je me dis que l’effet surprise serait trop éclectique de voir un homme de 49 ans, portant un t-shirt de Voïvod, sous un parapluie aux couleurs affriolantes. Surtout que l’enfant propriétaire risque de revenir le reprendre, incessamment.

J’assume ma décision et je marche jusqu’au Dieu du Ciel. Je fais un calcul rapide et il me semble que la fourchette temporelle me permet d’enligner une pinte, en plus d’une poutine. Une petite poutine, par contre. J’entre, je commande, je nettoie mes lunettes et je profite de l’air du pub pour me sécher. Je m’enfile le tout, paie la facture et retourne dans ce crachin, en direction du Fairmount. En haut de l’escalier, je suis humide et c’est un inconfort. Sur la vitrine du guichet, une feuille indique que le concert sera à guichet fermé, ce qui me confirme que la chaleur dégagée par la foule va sécher mes vêtements!

Je reçois mon estampille encrée et j’entre dans le théâtre. Fires in the Distance est sur scène, la foule est déjà présente et il y a un espace disponible pour circuler, juste devant le bar. En me rendant au bout pour rejoindre un groupe d’amis, je crois le batteur d’Amorphis et le claviériste de Dark Tranquillity qui se dirigent vers la sortie, probablement pour rejoindre les autobus de tournée.

C’est assez massif comme foule, je vois du coin de l’œil le kiosque de merch que je visiterai plus tard. Ce que j’entends comme fond sonore se veut intéressant. Le metal de Fires in the Distance se veut bien sombre et je comprends pourquoi un bon nombre de métalleux et de métalleuses semblent absolument scotchés au groupe. Avec des élans mélodieux, le groupe est capable d’enrichir ses compositions grandement. Les pièces me rappellent Insomnium et Wolfheart sur certaines mesures mais ce qui m’intrigue le plus est de voir que le bassiste du groupe soit un gaucher sur son instrument, tout comme moi, quoique j’écrive de la main droite…

La trentaine de minutes sur scène m’a agréablement convaincu et pendant que je tape cette série de mots, je suis en train d’écouter leur album Air Not Meant For Us, justement.        

Après une quinzaine de minutes, tout se veut près pour Dark Tranquillity qui s’installe sur ce large espace qui est offert à eux. L’accueil est chaleureux, comme d’habitude, par la foule montréalaise et le sourire prend une certaine expansion sur le visage des musiciens, plus particulièrement sur le visage déjà rayonnant de Mikael Stanne, l’homme le plus occupé de 2024 dans le domaine métallique.

Shivers and Voids se veut plus qu’adéquate et elle se veut suivie par Hour Passed in Exile, chanson tirée de Damage Done. Je vois que la foule est animée, c’est un pari qui semble déjà gagné par le groupe qui nous servira son matériel comme du petit café Baileys que nous boirons à petites gorgées pour ne pas se brûler les babines.

Pendant Forward Momentum, je me rends compte qu’il y a une jeune fille d’environ 8 ans assise sur les épaules de ce qui doit être son papa. Derrière moi, un garçon d’environ le même âge est aussi présent, me confirmant que les parents font bien les choses, ce qui m’enlève toute culpabilité face au fait que je traîne mes kids dans les concerts depuis qu’ils sont aux couches.

Ça commence à grouiller de plus en plus autour de moi et on peut entendre des « DT! » qui se veulent hurlés à plein poumons par les participants. Même ceux qui ont été en griller une entre les deux groupes participent à cette série de cris, confirmant l’approbation face à cette prestation qui comprend Atoma, The Last Imagination, Nothing to No One et à mon plus grand bonheur, Cathode Ray Sunshine.  

Le groupe est solide, les musiciens sont précis et ne manquent pas une touche malgré l’activité sur scène. Nous comprenons rapidement que même si Stanne et Brändström sont les deux têtes chez DT, le guitariste Johan Reinholdz prend de plus en plus son aise après le départ de Chris Amott. Avec lui pour la tournée, c’est le guitariste de HateSphere, Peter Lyse Hansen, qui partage la besogne.

Pour terminer la soirée, ce sont Phantom Days, l’incroyable Lost to Apathy mais surtout l’incontournable Misery’s Crown qui ont permis au groupe de quitter dans l’extase la plus totale. Après la photo de fin de concert habituelle avec les musiciens accroupis et la foule en arrière-plan, je bien remarqué que quelques dizaines de personnes quittaient la salle… pour ne plus revenir.

Le départ pour Amorphis a semblé plutôt, lent. Après l’enthousiasme énergétique laissé par Dark Tranquillity, je me serais attendu à ce que les Finlandais reprennent là où les Suédois avaient laissé. D’y aller avec Northwards, On the Dark Waters, Sky is Mine et The Moon, je voyais que la foule ne semblait plus en connexion, à l’exception de la jeune fille de tout à l’heure qui semblait connaitre tous les refrains, toujours assise sur les épaules de papa.

Il aura fallu The Castaway pour que j’embarque enfin dans le buzz qu’Amorphis voulait nous partager et à voir la réaction, je n’étais pas le seul à trouver que le début du concert avait trainé de la patte, un brin. Le réveil s’est activé et ensuite, le groupe a su garder notre intérêt avec Silver Bride, The Wolf et Wrong Direction. Le moment de communion est arrivé avec My Kantele, chanson parfaite de la part d’Amorphis et toujours bien rendue par les musiciens. Poignante, cette chanson me remet toujours en tête qu’Elegy demeure leur meilleur album de leur période mélodique.

J’étais absolument et totalement attentif face à la suite car ce sont Black Winter Day et House of Sleep qui ont fermé la soirée pour le groupe, de manière non-officielle comme on doit s’y attendre. Prévisible mais essentiel, Amorphis se devait de nous servir les deux morceaux, surtout que le début de leur tour de scène se voulait sous le signe d’un caribou qui semblait avoir les quatre pattes, pognés dans la swompe…

Sortie de scène, Amorphis est revenu pour y aller avec The Bee mais malgré ce bel élan vers la fin, nous sentions tous que c’était Dark Tranquillity qui nous avait vidé la tank et ce solidement. Non, ce n’était pas un concours de celui qui pisse le plus loin et une tournée qui propose une double tête d’affiche permet, justement, à deux formations majeures de s’illustrer mais par défaut, nous avons toujours la vilaine habitude de comparer.

À bien y penser, les deux groupes ont tout simplement effectué ce qu’ils font de mieux, au grand plaisir des amateurs de death metal mélodieux, humidifiés ou non!

Images : Isabelle Gerard