Nous sommes au mois d’octobre, ce qui veut dire que c’est l’automne, l’Halloween s’en vient, il fait noir beaucoup plus tôt et que la fin de l’année 2024 arrive à grands pas. Pour cette année 2024, je pourrai, une fois de plus, affirmer qu’elle aura été riche en death metal et l’un des grands responsables face à cette cuvée savoureuse demeure le groupe Fulci, qui nous vient de l’Italie. Maintenant signée chez 20 Buck Spin Records, cette formation italienne mérite vraiment le détour, surtout que les musiciens de Fulci sont capables de pousser le style vers de nouveaux horizons musicaux en incorporant du saxophone, des portions électroniques et des lignes de rap dans leur musique. Mais le tout se fait d’un naturel décapant. L’inspiration venant directement des films horrifiques de Lucio Fulci, on comprend que le mariage entre le death metal et les films d’horreur fonctionne à merveille. Entretien avec deux membres du groupe, le chanteur Fiore en plus du batteur Edo.  

Tout d’abord, et je sais que c’est une question parfois ennuyeuse, mais que pouvez-vous nous dire au sujet de Fulci? Le groupe est actif depuis une dizaine d’années mais pour nous, au Québec, Fulci est comme un nouveau groupe. Pouvez-vous nous parler de la naissance du groupe et aussi du concept derrière cette bête?

Fiore (chanteur) : Le groupe est nommé d’après le Parrain du Gore : Lucio Fulci. Nous avons voulu créer une formation musicale intense en combinant nos deux passions : le cinéma d’horreur et le death metal. Lucio Fulci est définitivement notre réalisateur préféré. Nous sommes inspirés par les histoires de ses films. L’objectif principal est de « traduire » en musique toutes les vibrations, les sensations et les atmosphères que vous ressentez en regardant les films de Fulci. Pour cette raison, les paroles, l’écriture des chansons, les illustrations et notre merchandising sont basés sur le film que nous choisissons, celui envers lequel nous voulons rendre hommage. Pour cet album qu’est Duck Face Killings, nous nous sommes inspirés du film L’Éventreur de New York (NDLR : traduction de The New York Ripper, film de 1982). L’idée de fonder le groupe Fulci est née avec Dome, qui joue de la guitare et du synthétiseur, et moi. C’était en 2013. Notre bassiste Klem est un autre membre fondateur du groupe. Pendant nos concerts, nous projetons des séquences de films de Lucio Fulci, des moments que nous considérons comme étant, comment dirais-je? Cultes! Nous avons utilisé un « drum machine » à nos débuts, faute d’avoir un véritable batteur. Ces dernières années, un autre guitariste a rejoint le groupe. Son nom est Ando Ferraiuolo et en plus, il est notre producteur chez Till Deaf, le studio d’enregistrement où nous enregistrons nos albums. De plus, nous avons maintenant un véritable batteur en la personne d’Edoardo Nicoloso.

Duck Face Killings est votre quatrième album et il est lancé chez 20 Buck Spin. C’est une porte qui s’ouvre pour vous en Amérique. Étant donné que ce label ne sort que des produits de qualité et d’excellents groupes, que pouvez-vous nous dire face à cette signature avec eux ?

Edoardo (batteur) : Exactement, Duck Face Killings est notre quatrième album et nous sommes extrêmement fiers du travail que nous avons accompli. Je pense que nous n’aurions pas pu souhaiter un meilleur label que 20 Buck Spin. À notre avis, c’est l’un des meilleurs labels des dernières années. Chaque groupe qu’ils signent est génial et chaque produit qu’ils lancent semble être parfait. D’un point de vue professionnel, nous avons également trouvé qu’il était très agréable de travailler avec eux – ils sont très sérieux et vraiment professionnels. Nous sommes vraiment heureux d’avoir signé avec eux.  

Comme vous me le racontiez, vous aimez écrire des chansons sur les films de Lucio Fulci. Cette fois, vous avez opté pour L’Éventreur de New York. Que pouvez-vous nous dire sur ce choix particulier ?

Fiore : Nous avons réfléchi, nous avons arrêté notre choix sur ce film giallo (NDLR :Le giallo est un genre cinématographique principalement italien à la frontière du cinéma policier, du cinéma d’horreur et de l’érotisme) et tout l’album est basé sur ce personnage du film, ce tueur en série à la voix de canard. Nous avons décidé d’introduire des aspects qui n’avaient jamais été pris en compte, comme le sadisme, la perversion, la violence et la dégradation sociale. Cette fois, nous avons trahi nos célèbres mangeurs de chair bien-aimés, hahahaha!

J’aimerais dire que je suis impressionné par ce nouvel album. J’ai l’impression que vous avez repoussé les limites du death metal. C’est toujours du death metal à l’ancienne mais vous avez ajouté des éléments intéressants comme le rap, les sonorités électroniques et même un saxophone. J’aimerais savoir si c’était pour recréer l’ambiance du film et/ou l’ambiance typique de la ville de New York ?

Fiore : L’album est entièrement inspiré par L’Éventreur de New York, et par conséquent, chaque nuance, chaque facette de l’album reflète l’ambiance du film. Ce film se caractérise par une ambiance mystérieuse. C’est presque un film noir et nous voulions capturer cela. Non seulement dans les paroles et les illustrations, mais aussi dans les interludes grâce à l’utilisation de synthétiseurs des années ‘80 ou du saxophone, comme dans Il Miele Del Diavolo. Cet élément nous ramène à la trame sonore originale.

Vous avez fait appel à Lord Goat de Non Phixion qui fait le rap sur la pièce Knife. Certains savent que cette formation de rap propose des métalleux parmi ses membres. Away de Voïvod a même fait leur logo, ce qui confirme leur allégeance métallique. J’aimerais savoir pourquoi vous avez choisi Lord Goat pour faire les portions de rap ?

Fiore : Oui, c’est vrai! On parle d’un crew de rappeurs avec une grande passion pour le heavy metal, à l’instar d’Ill Bill ou de Vinnie Paz. Pour cette partie, nous avons pensé à Lord Goat, alias GORETEX, pour sa forte culture, son attitude face au cinéma d’horreur et la musique metal. De toute évidence, il s’agit d’un top de la scène et nous adorons sa musique !

Les parties électroniques de l’album sont fournies par un groupe du nom de TV-Crimes. J’ai essayé de trouver des infos sur ce groupe mais rien n’est vraiment disponible. Est-ce possible que TV-Crimes soit un projet en parallèle de certains membres de Fulci ?

Fiore : Exactement! TV-Crimes, c’est Dome Diego, le guitariste de Fulci. Toutes les parties électroniques sont composées et jouées par lui. Il a également composé des bandes sonores pour des courts-métrages et des films tels que Tropical Sun, réalisé par Ritual Video et Grida dalla Palude, réalisé par Lorenzo Lepori.

Maintenant, cette question s’adresse plus spécifiquement à Fiore. Certaines personnes disent que les chanteurs de death metal ne font que vomir des paroles, ce qui est absurde. Ce que je trouve vraiment intéressant avec Fulci, c’est ton style de chant. Il est totalement brutal mais, en même temps, tu prononces bien. Que peux-tu nous dire sur ta technique et tes influences ?

Fiore : C’est vrai ce qu’ils disent!  Le style vocal du death metal est vraiment similaire au son que tu fais quand tu vomis, ahahah! J’ai aussi commencé en « vomissant » au micro, si je peux m’exprimer ainsi. Mais au fil des ans, j’ai trouvé mon style personnel. Mes points de référence sont Frank Mullen de Suffocation, George Corpsegrinder de Cannibal Corpse et Karl Willets de Bolt Thrower. Je préfère les voix dans le style de Deicide en plus du style vocal de type « égout », un genre qui se veut plutôt inimitable avec des groupes comme Devourment et Disgorge. En général, je me laisse emporter par la pièce et en fonction de l’ambiance que cela donne, j’essaie de chanter dans un certain style. Souvent, lors de la composition et de la rédaction des lignes, nous comparons ce que cela donne dans tel ou tel style de chant. Duck Face Killings est un album qui nous ramène au milieu des années ‘90 et donc, à cette façon très audible de chanter. Le tout est sorti plutôt, spontanément. De plus, les cris et les hurlements de cochon ne manquaient pas à l’époque!

Je dois absolument vous parler de la dernière chanson de l’album, Il Miele del Diavolo. Ceci est le titre d’un film de Lucio Fulci du même nom. Que pourriez-vous nous dire sur ce choix de pièce ?

Fiore : Bien que la musique elle-même soit une réinterprétation death/doom de la bande sonore originale du film, les notes poignantes de Mario Luce avec son saxophone nous a convaincus de dédier cette chanson à un film que nous n’avions aucunement envisagé. Voici l’histoire de cette chanson, sur les conseils de notre grand ami et frère, Danny Bellone.

Chaque fois que je mets une chanson de death metal sur Spotify et que celle-ci se termine, je reçois par la suite d’autres chansons en relation avec celle que je viens de faire jouer. Spotify me joue toujours du Fulci, surtout les chansons de Tropical Sun. C’est comme ça que j’ai découvert Fulci. Alors, quelle est votre relation avec les services de streaming comme Spotify ?

Edoardo : Personnellement, je pense que les services de streaming, comme Spotify ou autres plates-formes similaires, sont une bonne chose mais uniquement pour la musique d’aujourd’hui. Sans eux, certains groupes, comme Fulci ou d’autres groupes, n’auraient pas vu le jour. Bien sûr, l’essor des plateformes de streaming présente également de nombreux inconvénients. Le problème d’être « n’importe qui » a considérablement augmenté. Bien que de nombreux artistes émergent, d’autres restent à jamais inconnus. Les plateformes de streaming sont un bon outil, mais il faut savoir comment s’en servir ! Et il ne faut pas sous-estimer le fait que dans les années 80/90, les artistes qui ont réussi étaient toujours cool et travaillants. Maintenant tout le monde peut sortir de la musique. Par contre, ce n’est pas tout le monde qui est capable de gérer son propre succès.

Maintenant, vous avez un batteur avec vous. Un vrai, en chair et en os !

Edoardo : Bien sûr que oui, c’est moi ! Je m’appelle Edo Nicoloso et j’ai 22 ans. Je viens d’une petite ville près de Milan, dans le nord de l’Italie. Je suis extrêmement heureux d’avoir rejoint le groupe, pas seulement parce que j’aime le death metal depuis que je suis gamin, mais aussi parce que j’ai toujours aimé la musique de Fulci. En fait, il m’a été assez facile d’apprendre leurs chansons. Quand ils m’ont appelé pour la première fois, je connaissais déjà Fulci, beaucoup même. C’est aussi un honneur pour moi de jouer avec des gars aussi géniaux parce que j’apprends constamment de nouvelles choses. En plus d’être un défi, c’est aussi un grand plaisir et une grande satisfaction pour moi d’être derrière les percussions. Je crois aussi, et ce très modestement, que l’utilisation d’une vraie batterie sur le dernier album a définitivement élevé le potentiel des morceaux, rendant tout plus dynamique et par conséquent, plus brutal! Je suis très heureux d’avoir rejoint la famille Fulci !  

Vous allez être en tournée en Amérique avec Devastation on the Nation. Mais pas de dates au Canada, puisque certains musiciens dans les autres groupes de la tournée ne peuvent pas traverser les frontières pour venir jouer ici, au Canada. Croyez-vous que Fulci viendra jouer au Canada dans un avenir rapproché, peut-être en 2025?

Edoardo : Nous sommes très heureux de la tournée américaine avec Morbid Angel. C’est un rêve qui va se réaliser pour nous. En ce qui concerne le Canada, pour l’instant nous ne sommes pas certains, mais nous espérons vous visiter bientôt ! Ce serait vraiment cool pour nous, et ce serait un grand exploit pour Fulci!

Fiore et Edoardo, un immense merci pour vos réponses et je vous remercie aussi d’avoir partagé ma critique d’album sur votre page Facebook !

Merci pour l’interview ! Au plaisir de te rencontrer un jour ! Gros câlins à vos lecteurs, de la part de Fulci!

L’album Duck Face Killings est disponible sur 20 Buck Spin Records.

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