En suivant le fil de mes chroniques, tu te souviens peut-être de celle sur le nouvel album de Necrot. J’estimais que le groupe proposais un death metal accrocheur qui a cette capacité d’être du death metal d’aréna. J’avais pris ce terme venant de la part de Chase Mason, chanteur de Gatecreeper. Effectivement, le chanteur racontait, lors d’un entretien, que son groupe essayait de produire du death metal d’aréna. Il faut se demander ce qu’est le death metal d’aréna, à la base.

Néologisme pur et dur, il faut y aller avec notre propre théorie et en tant que pédagogue de métier, je vais y aller avec ma propre définition. Ici, je vais abuser du copier/coller sur mon article précédent et y aller avec ceci : « … fait de créer une musique assez saisissante pour te permettre d’atteindre le prochain plateau. Cesser de jouer dans des salles plutôt menues et te propulser ainsi, dans des salles de la catégorie d’un aréna. » Avec la tournée d’Amon Amarth, qui propose une carte death métallique, nous voyons que le tout est possible.

Et qu’en est-il de cette nouvelle proposition de Gatecreeper? Est-ce que le groupe américain réussi à atteindre l’objectif fixé par leur chanteur? Dans mon billet sur Lifeless Birth de Necrot, je vous avais promis de vous confirmer si Gatecreeper pouvait se hisser dans les rangs du death metal d’aréna. Je vous en parle donc, ici.

Première offrande pour leur nouvelle étiquette qu’est Nuclear Blast, la troupe a laissé sur la table le renouvellement de contrat de Relapse pour joindre les rangs de ce joueur majeur qu’est ce label européen massif. On ne peut pas leur en vouloir, compte tenu que le groupe vise haut, très haut même.

Avec cet album du nom de Dark Superstition, le premier truc que nous remarquons est son affreuse pochette. En cette période d’intelligence artificielle et d’artistes de haut calibre, on se demande à quoi le groupe a pensé en y allant avec cette idée de tarentule prise dans un trou infernal, dans le désert et qui se retrouve devant un miroir (ou vitre?) cassé. En 1991, le tout aurait passé comme lettre à la poste mais en 2024, c’est douteux mais mieux que ce que Deicide propose sur Banished By Sin.

Quelques changements dans le camp de Gatecreeper avec la venue du guitariste Israel Garza de Judiciary et le bassiste Alex Brown qui bidouille avec une couple d’autres groupes aussi. Il reste que le noyau dur de Gatecreeper est encore présent et en ce qui concerne le death metal grand public, le tout commence avec conviction sur Dead Star, pièce qui se voudrait un peu comme leur Only for the Weak. Cet hymne te permettra de t’époumoner autant que Chase Mason. Avec un tempo plus pausé et sautillant, il est tout de même incroyable de le sentir aussi intense sur celle-ci. Sans être un coup de circuit valant deux points, cette chanson donne un coup d’envoi qui confirme que le groupe risque de tenter le tout pour le tout sur le reste de l’album.

La suivante qu’est Oblivion demeure plus convaincante. Plus rapide et plus grasse, on ressent le galop saucé dans la sauce brune ALLEMANSRÄTTEN. Plus onctueuse comme pièce, il ne manque plus que la guitare avec sa tonalité qui nous ramène aux boulettes suédoises, le tout bien appuyé par une basse bien participative et surtout, qui s’impose. The Black Curtain se veut plus stagnante. Après l’impétuosité de la précédente, Gatecreeper reste plus flegmatique.

Par contre, on demeure plus ténébreux avec Masterpiece of Chaos. Nous aurons besoin de la cadence plus pimpante de la partie médiane pour bien apprécier ce morceau qui se veut acceptable sans que mon intérêt se manifeste pleinement. Je suis encore en train de me demander si le « death metal d’aréna » se pointera le museau car à date, le groupe reste en terrain connu et demeure prudent.

Trop?

Les percussions se veulent acharnées sur A Chilling Aura lors de son ouverture. Le riff suivant est bien ouvert et l’espoir renait, enfin. Invitante, cette chanson propose des transitions qui laissent l’auditeur bien concentré sur son écoute et en mode participatif. Avec ses guitares à l’unisson, les parties de basse plus singulières et l’attaque vocale dévorante, je commence à sentir l’effet communautaire.

C’est vraiment avec la suivante, Caught in the Treads, que l’amoncellement collectif se manifeste. L’affront sur les guitares est efficace, c’est élancé, grossier même. Les guitares sont devant notre visage sur cette chanson qui se veut le gros coup de Dark Superstition. L’ouverture sur la basse pour la chanson Flesh Habit nous laisse perplexe. Est-ce une reprise d’un succès alternatif des années ’90 ou c’est plutôt que les musiciens Gatecreeper aient décidé d’aller sur un terrain plus catégorique? Chanson avec une attitude beaucoup plus calculée, avec un hi-hat plutôt soigné en plus des guitares mesurées, sans déversement musical et une ligne directrice plus étudié, il est à se demander si Gatecreeper n’a pas écrit cette chanson à la base pour un split avec leurs anciens compagnons de tournée, les post-grunge de Narrow Head

Foudroyante est Mistaken for the Dead qui nous remet en oreille des élans d’Entombed. Motivé par cette chanson, le poing en l’air en y allant d’un air guitar punitif abimant mon jeans au niveau de la fourche, j’ai déchanté rapidement par la suite car la finale offerte par la dernière chanson qu’est Tears Fall from the Sky se veut trop lambineuse. Avec son itinéraire musical prévisible, celle-ci se veut comme ce que propose toutes les formations de death metal lorsqu’elles tentent l’introspection. Un riff plus doom avec une guitare lancinante par-dessus, la voix n’a plus qu’à proposer un acte de contrition et hop, nous avons notre chanson du pénitent.

Rendu à la fin de ce long morceau plutôt contraignant que satisfaisant, je me suis demandé si Gatecreeper avait rempli sa mission qui se voulait de proposer du death metal d’aréna. En me retapant l’album à quelques reprises, j’en suis venu à la conclusion que non. Il y a de bons moments participatifs, c’est un fait mais jamais en quantité comme peut le produire un Frozen Soul ou un Necrot.

Je ne crois pas que Gatecreeper ait sorti cet album pour tomber en mode comparatif, c’est certain mais je voulais seulement créer un parallèle avec l’affirmation de Mason. Si je prends Dark Superstition comme une sortie death métallique de l’année 2024, je ne suis pas en mode satisfaction totale.  

Disponible le 17 mai sur Nuclear Blast Records.

www.facebook.com/gatecreeper/

Photo : Trenton Woods