Dans le temps, j’avais acheté l’album Gloria de Disillusion au HMV de Chicoutimi. Je faisais un arrêt dans ma ville natale et, comme à chaque visite, j’allais visiter mon ancien employeur. J’avais vu le clip pour « Don’t Go Any Further » fort probablement sur la page MySpace du groupe et j’avais été conquis par ce metal avant-gardiste. Formation allemande, je me demandais ce que cette troupe faisait sur Metal Blade Records car à l’époque, ce label ne signait que des groupes deathcore.
En écoutant l’album, je me suis bien rendu compte que Disillusion n’aurait aucun impact en Amérique en cette période plus axée sur des tournées comme le Sounds of the Underground avec des formations comme As I Lay Dying, Trivium, The Black Dahlia Murder, The Chariot et Through the Eyes of the Dead.
Sur Gloria, nous étions loin de cette mouvance métallique car avec Disillusion, nous étions dans un metal cérébral, avant-gardiste et très près de la progression. Bref, des termes qui ne collaient aucunement avec les tendances de l’époque. Comme de raison, l’association avec Metal Blade fut de courte durée et l’impact en Amérique s’est avéré nul.
Le groupe est disparu pendant près de 10 ans pour revenir par la suite avec Prophecy Productions, un label qui colle un peu plus au genre musical de Disillusion. Les Allemands ont donc proposé l’excellent The Liberation en 2019 et en 2022, la troupe teutonne lancera Ayam (mot qui veut dire « poulet » dans la langue indonésienne) le 4 novembre prochain.
Sur cet album, nous retrouvons une formation en pleine possession de ses moyens. C’est un metal réfléchi, qui te demande une certaine réflexion et une écoute attentive. Disillusion ne propose pas une musique de fond qui te permettra de couper tes légumes, faire revenir tes champignons et faire cuire tes poitrines pour faire ta célèbre recette de poulet cacciatore. Non, tu dois t’affaisser dans ton divan, la tête bien enfoncée dans un coussin moelleux car leur metal mélodieux et progressif peut se diriger dans de nombreuses directions.
Bon à s’en lécher les doigts
Avec Ayam (qui veut aussi dire « lumière » en hébreux) nous avons justement de nombreuses chansons qui se veulent nébuleuses mais teintées d’un esprit lumineux. Au départ, c’est avec Am Abgrund que Disillusion installe ses pénates. Pièce plutôt musclée, tu peux ressentir des élans à la Gojira mais avec une dose d’orchestration car ce groupe allemand aime t’en mettre plein les oreilles.
Ensuite, la tourmentée Tormento reste dans l’ambiance opaque avec des changements et des transitions qui te remettent Opeth en tête avec une voix claire lors d’un passage introspectif qui explose vers un rugissement baigné par une montée musicale tordue. C’est massif, riche et la charge métallique est déjà à son paroxysme.
Sachant que les deux premières pièces se veulent déjà goulues, Disillusion nous balance Driftwood, une chanson acoustique en ouverture qui prend plus de tonus vers sa portion médiane. On est dans les mêmes eaux qu’un Porcupine Tree, Opeth ou Persefone au niveau de la balance sonore.
Emprise évidente sur la progression musicale, le périple se poursuit avec Abide The Storm qui se veut plus croustillante, un genre d’amalgame sombre à la Katatonia avec des transitions progressives. Ensuite, Disillusion poursuit dans le même type de metal glauque avec Longhope.
Musicalement riche, Ayam est un album surprenant qui se laisse apprivoiser, écoute après écoute. Les arrangements musicaux sont variés, crémeux et remplis de guitares lourdes, apaisantes et des percussions précises. Voix courroucées qui s’entremêlent avec des portions plus douces, le tout est accompagné par des instruments à vent et à cordes… et même du triangle!
Disponible le 4 novembre sur Prophecy Productions.